Autoroute de Sébastien Bailly | la pleine lancée
- Collectif Les Villes en Voix
- 14 août
- 2 min de lecture
Le personnage semble nous parler depuis longtemps, avec l'impression d'une reconnaissance tacite. Quand il commence à expliquer vraiment les faits, à peine quelques pages après l'ouverture, nous le suivons en complice qui cherche une issue et revient sur les évènements. Le champ large qu'il propulse ouvre en grand l'espace.
Syphon qui aspire sur la route collective. Et soudain tout est dérentabilisé, mouvant, imprévisible.
La musique vient de cette énergie à dire.
Avec la véhémence tranquille de la sincérité.
Après l'insidieux et le doute éprouvés sur un lieu de travail, l'effleurement du mépris, long fleuve d'hypocrisie et de trahison qu'on retrouve si souvent dans les administrations et les entreprises françaises, tout tombe et s'affaiblit. Et puisque tout survient pour se mobiliser contre le vide, soudain surgit le sentiment. Urgence.
L'allant d'improbabilité, le vent du large qui taraude et obsède. C'est ici une histoire d'amour et de déclin dans le vide abyssal d'une société feinte.
Qui songe à la fugue et s'y appuie de toutes ses forces, revient au présent ultime : le temps du voyage (où le temps de lecture se calque exactement sur le temps de l'histoire) arrivent des choses qui peuvent paraître folles à qui n'a plus de force : la découverte subite des autres, qui fuient aussi sur la route, avec le bagage de la peur, de l'ardeur à vivre coûte que coûte, contre la petite violence quotidienne,
Il y a l'autre qui ne presse plus, qu'on n'entend plus,
Sur l'autoroute à bras-le-corps.
L'autoroute, vaste destin vécu à plusieurs, cloisonne chacun dans son véhicule, toute rencontre paraît alors inconcevable, même sur une aire de repos, impossible de rentrer en contact sans incident grave...
L'autoroute inarrêtable.
Le parti-pris de l'exode.
C'est cette déraison-là qui prend au ventre, le lecteur est retourné, retrouvé dans sa vitalité de lecteur avec des phrases qui fusent et grondent comme des bolides en pleine véhémence de fuite. C'est le désir de larguer le temps dû aux autres, le temps dû contre soi, pour élaborer un prisme d'existence calqué sur l'existence telle qu'elle se doit de battre et de respirer.
L'autoroute renverse tout. Et tant de belles pages philosophiques sur le devoir de partir, quitter un pays sous les bombes, quitter une souffrance qui revient faire la quête incessamment dans la tête. C'est un roman en tout petits chapitres qui parleront aux amoureux des longs trajets sans véritable but, ces lignes droites où l'on fixe son attention sur des souvenirs, les logos des voitures, la conduite des 38 tonnes, les signes des enfants agités, les femmes isolées qui vont vers une autre vie, les routes pleines de gens, comme un être seul qui se perd en contemplation devant tant d'activités humaines.
Au bout, il y aura peut-être le courage de la rencontre, sans la protection du bitume, de l'airbag, des autocollants sur la carrosserie, il faudra alors sortir des trois voies,
Et voir le territoire de l'autre
oser sonner
oser rentrer chez des gens.
Chronique de la Buvette du coin dl'a rue N°7
Collectif Les Villes en Voix / Françoise et Val




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