Texte et photographie
Helena BARROSO
"La fille de"
Depuis huit mois qu’elle est arrivée au village et personne ne lui parle. Dans les magasins, ils lui jetteraient bien ses achats à la figure juste pour se débarrasser de sa présence. C’est la fille de. L’extravagante, la folle, la Sybille, l’ensorceleuse, la sorcière. A chaque geste ravageur de consciences, un nouveau nom surgissait sur les langues aiguisées de médisance. Quand le mari de Jeanne s’est entiché d’elle et ne lâchait plus sa maison, délaissant la sienne, la liste d’épithètes s’est considérablement élargie. Son vrai nom, on ne le prononçait jamais par crainte d’attirer le malheur. Marcel l’avait fait et deux jours plus tard on l’avait retrouvé mort au fond du Ravin des Meurtris. La fille de revenait au village et on l’épiait, la maudissait en silence. Quels nouveaux sortilèges avait-elle appris loin là-bas, sur des terres inconnues ? Elle revenait pour la vengeance ; dix ans, c’est l’âge où l’on n’oublie rien. On ne lamente pas la mort de, on la redoute encore dans cet autre visage caché par une chevelure incandescente sous la lumière du Diable.
Helena Barroso : J’ai longtemps pensé, en contraste avec toutes les histoires que je lisais et qui rendaient indistinctes les limites du probable, que je n’avais aucune imagination et que l’écriture n’était pas une option pour moi. Puis, un jour, j’ai écrit une histoire, puis une autre, et encore une autre. J’ai découvert que je vivais autrement quand j’écrivais, que l’état dans lequel me plongeait l’écriture était à la fois effrayant et magique, que celle-ci me permettait d’aller voir ailleurs et autrement ce que je ne voulais pas regarder en face. Et j’attends le moment où cette même écriture me fera enfin lever les yeux.
Collage d'Audrey JEAMART
"Cime de feu"
Texte de Domi BERGOUGNOUX
Elle se tient là, debout
ses cheveux emmêlés à l’azur
pieds nus dans la terre ocre
Au loin des arbres flambent sur tout le globe
elle entend l’agonie du vert qu’on assassine
elle entend le cri fauve du bois calciné
elle ressent sur sa peau la brûlure du brasier
sur son visage coulent des larmes désolées
que la fournaise écrase
Elle traverse les ombres
va chercher la sève sous l’écorce
l’eau pure au fond des lits
l’écume au dos des vagues
elle éveille les torrents les plus sauvages sous les pierres endormies
elle va au bout du monde pour cueillir les glaciers
elle danse les nuages pour invoquer la pluie
Son corps de chair pétri d’argile nage aux sources du feu
elle est un phare orange dans la mer végétale
Elle est femme de cuivre
et son cœur d’or fondu déverse sur les plaies
fluides lymphes et flots
Elle calme dans le bleu la folie des humains
Domi Bergougnoux : Actuellement orthophoniste en Ile-de-France, elle s’occupe d’enfants « empêchés » dans leur expression orale ou écrite. Chanteuse de jazz, pop-rock, lyrique, elle a « hiberné » quelques années en musique avant de revenir à la poésie. Elle écrit sur la solitude, la souffrance, elle développe un rapport sensible et métaphysique à l’univers et à la nature. Elle poste régulièrement des poèmes sur sa page Facebook, elle est accueillie dans des revues et blogs. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs et à des anthologies. Recueils publiés : « Dans la tempe du jour », Editions Alcyone, 2020. « Il faut apprendre à voler », livre d’artiste, peintures découpées de Jean-Denis Bonan, Editions Al Manar, 2020. « La craquelure », Editions Al Manar, 2021. « Au berceau de nos bras », (co-écrit avec Pat Ryckewaert) Editions Bleu d’Encre, 2022. « A tout ce qui lacère », Editions Le Coudrier, 2022.
Audrey Jeamart : Originaire de Lille et installée à Bobigny en Seine-Saint-Denis, je crée des collages analogiques, reflets de l’intime contradiction. Mon travail est composé de visages et silhouettes formés de bribes disparates, de paysages intérieurs, de scènes oniriques, d’ambiances à la lisière du fantastique, de fragments s’assemblant à la manière d’un puzzle étrange. Tout a commencé un soir lorsque je répondis à un besoin impérieux de créer. C’est spontanément vers le collage que je me suis tournée, réalisant ma première œuvre avec les moyens du bord. L’expérience fut galvanisante et je la poursuivis. J’avais trouvé un moyen d’expression, une activité tactile et créative.
En partant d’un travail très intuitif, guidé par la texture du papier, les couleurs et nuances de noir et blanc, ainsi que les émotions exprimées, j’aboutis sans m’en apercevoir à d’étranges autoportraits. Comme si dans ce travail du fragment, de la rencontre, presque alchimique, mes œuvres m’échappaient. Après la confusion, l’unité perdue ressurgit et laisse apparaître une harmonie cachée.
Aquarelle de Catherine MERLE
Texte d'Aline RECOURA
Une honte
que je ne nomme pas
comme d'un cauchemar
elles sont partout
et me font peur
comme d'une souffrance
elles m' entortillent
et me transforment
en esclave
comme d'une prison
je les aime
comme des bourreaux
entre le rejet et l'amitié
elles sont rivales
quand je ne les connais pas encore
Je cherche leurs défauts
mais ce ne sont que les miens que je vois
Une honte
et je m'enfonce
dans son labyrinthe
Toutes ces autres femmes
que tu pourrais aimer
bien plus que tu ne m'aimes moi
Toutes ces autres femmes
auxquelles je ne devrais pas me comparer
auxquelles tu ne jettes même pas un oeil
Toutes ces autres femmes qui vivent
et tournent autour de toi
D'un coup je titube
l'autre côté m'appelle
Je ne sais plus quelle femme je suis
Aline Recoura a été publiée à La lucarne des écrivains, avec un nouveau livre "Des jours et des bleus". Celui-ci retrace la traversée d'une femme sur une quinzaine d'années, maternité, monoparentalité, solitude et rencontres. Un quotidien décortiqué, sublimé, raconté.
Catherine Merle : musicologue, violoniste , chanteuse, aquarelliste et auteure de Pierre-Auguste Renoir et la musique (La Lucarne des Ecrivains 2019). Outre ses nombreuses participations vocales mêlant opéra et opéra comique dans différentes productions et festivals, elle travaille avec l’écrivain Claude DUNETON (de 2004 à 2011) sur l'histoire de la chanson. Ils créent entre autres La chanson qui Mord au théâtre du Rond-Point (2008). Elle travaille depuis 2020 sur des conférences-chantées avec Daniel CHOCRON. Elle coorganise et participe en tant qu’artiste et expose ses aquarelles au festival culturel ANIMALIA à Paris (janvier 2023). Sa dernière exposition intitulée "Du vivant" date de mai 2023 dans une librairie à Paris.
Toile d'Isabelle BECKER
Texte de Virginie SEBA
"Le jour où la lune est devenue bleue"
A vous mes chers êtres humains
Qui implorons la Lune
A nous qui lui adressons toutes nos prières
Matin midi et soir
A elle déesse de nos envies de nos désirs
de nos soupirs
A elle déesse mère attentive
Un peu Vierge un peu Marie
un peu mère idéale
A elle grandes oreilles toute ouïe
à elle nos désarrois nos idéaux
A elle qui le soir se fait miroir de nos espoirs
A elle qui sourit dans notre nuit
A elle qui reluit contre vents et brumes
A elle vaillante quoi qu'il advienne
Pleine d'amour de grâce et de lumière
A elle qui porte nos secrets les plus intimes
Lune blanche Lune vierge
Tachetée d'ombre ou de lumière
Engrossée chaque soir
de nos chagrins de nos espoirs
De nos poussières de terre
Mère conseil mère soutien
te voilà donc transformée en vierge déesse immanente
Astre d'accueil invoqué par milliers d'êtres humains
Toi qui n'es pas le soleil qui brûle
Toi qui n'es pas le soleil qui dessèche
Toi qui n'es pas le soleil qui violente
Toi lumière douce et réconfortante
Qui chaque jour fait grandir un peu plus notre humanité
Toi mère Lune aux prodigieuses oreilles
A l'écoute infinie
En qui nous déposons tous nos tourments
A toi les pardons les remous les remords
A toi les joies les peines
A toi divine mère au cœur inépuisable
En ton sein nous nous réconfortons
En ton sein nous grandissons
Déesse de notre monde à toustes
De Paris à Tokyo
De Lomé à Sao Polo
De Wellington à Saigon
De kuala Lumpur à Prague
De Reykjavik à Terre Adélie
Mère Lune tu brilles pour nous toustes
Et ton aura sereine et lumineuse
Apaise nos tourments
Élève nos élans
Qui donc plus qu'elle la Lune
de tous les astres en ces cieux
Transcende nos émois ?
Elle seule je crois !
Virginie Séba : Poétesse performeuse, Virginie Séba écrit, dit, partage sur scène et invente des spectacles.
En mars dernier a publié Famille sur table, aux éditions L’Ire de L’ours, un co-recueil avec Aline Recoura dont un spectacle éponyme a été tiré ; en parallèle a créé deux spectacles musicaux avec Fabienne Conte, chanteuse guitariste : Slam’chante et L’incroyable Sister Rosetta Tharpe, pionnière du rock’n roll joués au Théâtre des Déchargeurs au printemps dernier ; en octobre prochain jouera de nouveau à Paris au Théo théâtre L’incroyable Sister Rosetta Tharpe, pionnière du rock’n roll ! Voir site internet www.slamchante.fr
Isabelle Becker : Le mouvement est depuis toujours au cœur même de ma pratique artistique et de ma démarche. J’aime dessiner l’humain en mouvement, qu’il parle, bouge, soit concentré sur un livre ou son portable ou joue ou danse. Carte "Michemin" : une carte routière de marque Michelin ou autre présentée à la verticale, couverte de taches d’encre, de teintures naturelles, de peinture acrylique et d’aquarelle. Deux mouvements : le premier réel, concret qui est celui du « dripping » effectué sur le support au préalable. Il ne répond à aucune loi, si ce n’est de commencer par les encres les plus claires avant d’arriver au noir. Il est « défoulatoire », incantatoire et libérateur, je l’effectue loin de tout regard, dans un état extatique.
Le second mouvement est, lui, abstrait ou du moins « codé » selon des règles répondant à une représentation décidée par des géographes, schématisation d’un lieu existant quelque part. Ce mouvement est évoqué par la carte elle-même, la représentation d’une zone géographique donnée et l’usage concret et pratique qui en a été fait par le passé pour trouver son chemin d’un point à un autre, avant que je ne la « massacre » et revisite.
Toile d'Isabelle BECKER
Texte de Marianne LAGES
"A la féminine"
Au crépuscule froid, assiégée par la peine
Balbutiante et brisée, harassée je titube
À la lueur glaciale du métal grinçant
Sidérée je m'avance, et lui tremble et recule.
Lentement le cœur lourd, dans les ruines rouillées
Etouffée par la rage et par l'indignation
Pendant que je piétine les débris gelés
Amertume et douleur : funèbre est l'oraison.
Tremblante, trébuchante, bafouée, tourmentée
Résolue je regarde le monstre tomber.
Insolente et réelle, en mes ailes drapée
À la faveur du souffle léger de la brume
Radieuse je m'élève dans le clair de lune.
C'est l'heure des sorcières, de la délivrance.
Au son énigmatique du ciel vaporeux
Tout semble s'apaiser. Maintenant voici l'aube
Marianne Lages : comédienne, notamment durant deux ans dans la compagnie Folhéliotrope de Véronique Dimicoli, "J'suis pas comme eux j'ai pas l'temps", pièce qui a obtenu le prix Tournesol à Avignon (décerné par Irina Brook).
Photographie de Moudhuia SOIBIADA
Texte de Perrine LE QUERREC
L’eau - la corvée est pour les femmes et les filles
L’ea - 200 millions d’heures chaque jour à la collecter
L’e - des kilomètres de marche
L - des kilomètres loin de l’école
L’eau - le seau lourd, le retour encore plus long, le mari jaloux, pluie de coups
L’ea - contaminée et la famille malade
L’e - toutes les opportunités manquées
L - l’éducation engloutie
L’eau - combat pour la justice
Perrine Le Querrec : auteure de nombreux recueils de poèmes "Ruines" aux éditions Tinbad, "Les Tondues" aux Ed. Z4, "Rouge Pute" aux éditions La Contre-Allée, "Feux" aux éditions Bruno Doucey, et tout récemment "Le prénom a été modifié" aux éditions La Contre-Allée.
Photographie de Jean-Luc RAHARIMANANA
Texte d'Astrid WALISZEK
Tous mes étés d'enfant, je les ai traversés dans les chemins creux entre ruisseaux, torrents à truites, grès rose et sapins, ou entre champs de blés – de ceux du vert tendre du printemps à l'éteule de la fin de l'été, qui piquaient les chevilles.
Je connaissais certains chemins par cœur, j'attendais de voir la chapelle votive sous le cerisier. Ou encore cette stèle de grès rose en carré, le dessous abritant un banc où se reposaient les porteurs de lait, baquets posés au-dessus d'eux.
Mes longues promenades solitaires me laissaient le temps de rêver : un jour serait la nuit – l'ennui du grand soleil se transformerait en douceur, la nuit serait à moi.
Le jour, je délimitais mon parcours, la nuit je le refaisais à l'identique, à l'unique lumière de la lune parfois terne. Puis a commencé l'errance sans les repères du jour.
La nuit est un luxe glorieux.
Astrid Waliszek est l'auteure du roman "Topolina" chez Grasset.
Recueil de nouvelles et poèmes aux éditions Jacques Flament :
"A peine assez de mes bras", "Ombres nomades", "Les lucarnes de désir" ...
Texte et photographie
Mokhtar EL AMRAOUI
"Le fabuleux livre de la forêt"
Forêt que de contes t’habitent
Pour celles et ceux qui savent te rencontrer
Tu ouvres les bras rieurs de tes arbres
Qui se font sœurs et frères d’accueil
Aux magiques fraîcheurs parfumées
Pour les cœurs amoureux des promeneurs
Tes ivres ombres en bises et vent ne sont en faîtes
Jamais frayeurs enfantant des monstres fous
Ou sanguinaires cerbères et affreux loups
Mais les doux froufrous de tes feuilles et herbes
Offrent de sublimes interminables symphonies
Couronnées de chantants douillets nids
Tes infinies douceurs se déploient toujours
En douces heures de serein repos et bonheur
Bien loin des vains tumultes de la fausse vie
De ses douleurs et poisons de doux leurres
Tout en toi croît dans un majestueux silence
Vers d’ascendantes fusions et convergences
Forêt tout en toi grouille de vie
Tu es synergies d’espérances
Pleines de multiples fruits et réjouissances
De tes frondaisons jusqu’à tes minuscules êtres
Tu dévoiles à celles et ceux qui t’aiment
Ton somptueux grand livre des harmonies
©Mokhtar El Amraoui
Le poète-artiste Mokhtar El Amraoui est né le 19 mai 1955 à Mateur, en Tunisie. Ses recueils :"Arpèges sur les ailes de mes ans", "Le souffle des ressacs" « Chante, aube, que dansent tes plumes ! » et « Dans le tumulte du labyrinthe ». Il s’inspire de la /sa vie, son imaginaire et la nature.
Texte et photographie
Mokhtar EL AMRAOUI
"Fais fête de tout fétu !"
Le jour où tu sauras faire féerique folle fête
D’un tout petit fétu de paille
Chaque tierce sera merveilleuse ripaille
Pour tes yeux tes oreilles tes lèvres et tes mains
Inutile alors d’attendre grand festin et feu de paille
Pour que ton âme et ton corps tressaillent
Tu danseras ivre sans fin dans des tourbillons d’étoiles
Sur l’or fin du sable offert en dunes sans inutiles tables
Tu chanteras avec les vagues tels poissons volants
Aux arabesques écrivant les lettres de tant de fables
Tu voyageras dans les yeux rêveurs des fleurs
Saoul de leurs capiteux parfums sous les arbres
Ils t’apprendront à danser te prenant dans leurs bras
Scintillant de tant de feuilles riant de toutes les lumières
De valsants soleils et lunes qui jamais ne s’endorment
Se déployant en multiples rondes ondes ombres et formes
Forêts espaces scènes pleines du plus petit jusqu’à l’énorme
T’offriront la si douce quintessence de leurs fruits
Sache humain contempler ce si vaste théâtre
Aux imprévues merveilles loin des immobiles âtres
Sache plonger dans les splendeurs de tout ce qui luit qui bruit
Sache le déguster toucher écouter regarder chaque jour
Donne des ailes à tes pas que l’habitude a rendus lourds
Et tu festoieras alors en heureux léger troubadour
Ton cœur tout ton être seront prêts à accueillir toujours
Loin de tout ennui de toute tristesse joies et amours
Te libérant de toute laisse de toute chaîne qui blessent
Ta vie sera à jamais éternelle fête sans nulle détresse
©Mokhtar El Amraoui
Texte et photographie
Juliette DERIMAY
"Mots de nuit"
Elle savait dire les mots, elle savait les trouver, les choisir, les modeler. Tous les mots qui apaisent, qui rassurent, réconfortent. Des mots pas si faciles mais qui avaient leur place et tombaient toujours juste où ils devaient tomber. Pas des mots de pipeau, des mots propres, parfois durs mais jamais des mensonges. Des mots qu’elle amenait de sa façon à elle, qui devenaient évidences. Dans cet endroit de silence elle ne parlait pas fort, n’imposait pas sa voix, proposait juste des mots que l’on prenait ou pas, des mots un peu cadeaux. Jamais d’impératif. Ça prenait plus longtemps, du temps précieux après, des effets à long terme, de la confiance donnée et plus jamais reprise. Elle construisait du doux au milieu des douleurs, elle faisait un radeau auquel on s’accrochait et des dents et des griffes, de tout ce qui nous restait. Un radeau qui flottait et restait toujours là, fidèle quoi qu’il arrive, même une fois qu’elle était sortie de notre chambre, l’infirmière de la nuit
À Karine et Aurélie. Entre autres
Juliette Derimay
Son site : les-enlivreurs.fr
Publications : « Voyage en Irréel », avec le photographe Nicolas Orillard-Demaire (nod-photography.com), paru en septembre 2021 chez Spot Éditions et nombreuses participations à des ouvrages collectifs.
Illustration de Marion FORT
Texte de Patricia FORT
"La femme qui marche dans la rue"
A quoi pense -t-elle ?
Derrière ses yeux vides d’étincelles
Son ombre comme elle, perdue
Se frayant une place sans soleil
Ses souvenirs accrochés à ses semelles
Le dos courbé sous les nues
Vêtue d’aumônes, de radicelles
A quoi pense-t-elle ?
A cet enfant qu’elle n’a pas eu
Qu’elle rencontre à chaque coin de rue
Au temps où on l’appelait Mademoiselle
Belle et innocente ingénue
A celui qui ne voulait plus d’elle
Et qui l’a laissée nue
A ce printemps en dentelles
Qui promettait des fruits jamais venus
Aux lumières de Noël
Et à tout ce qu’elle a cru.
La femme qui marchait dans la rue
A quoi pensait-elle ?
Avec sa main tendue
Quand dans son escarcelle
J’ai mis mon regard ténu
Et que dans la ruelle
Elle s’est assise, fourbue
Son âme si belle
Sur le sol, répandue…
Patricia Fort est orléanaise, professeur des écoles depuis 32 ans, amoureuse des mots depuis son plus jeune âge. Elle a publié un abécédaire en 2010 aux éditions Dorval " Une vie bien rangée ", ainsi qu'un album pour enfant " Une vie de chien " chez le même éditeur. Un recueil de poésie en 2021 " Entre l'aile et le vent " chez les éditions Le Lys Bleu. Elle a également participé aux l'anthologies " Voix des îles" aux Éditions des îles, et "Je dis désir " aux Éditions Pourquoi viens-tu si tard ? (en 2021). Son texte est illustré par sa fille Marion Fort.
Texte et photographies
Françoise RENAUD
"avancer profond dans le désert"
Ces femmes-là n’ont plus de ville.
Ces femmes-là se taisent, ont exilé les mots.
Ces femmes-là vivent dans les décombres d’une vie ancienne, frappées par le feu, la violence ou la guerre, elles cachent leur visage dans leurs cheveux défaits tandis qu’elles marchent à travers les ruines — comment faire autrement. On ne voit pas leurs larmes devenues pierres d’argent obturant les canaux de leurs yeux.
Ces femmes-là n’ont plus d’enfants, ou alors le dernier accroché aux lambeaux de leurs robes.
Femmes seules d’un long voyage. Femmes qui ont perdu le gras tant elles ont faim, femmes douces encore au ventre et à la gorge, femmes dotées d’une résistance dont personne n’a idée pour avancer profond dans le désert, à travers les cités détruites et les pays dévastés avec le poids de l’enfant, avec la faim et la douleur d’entrailles.
Ces femmes-là aux yeux d’argent n’ont plus de lieu, n’ont plus de ville, rien qu’un souvenir cousu dans le corps qui brûle.
françoise renaud : nombreux ouvrages publiés depuis 1997 (roman, poésie, jeunesse, beau livre) et publications en revue. Biblio ici:
https://www.francoiserenaud.com/bibliographie/bibliographie-complete/
Aquarelle d'Alexandre PIQUION
Texte d'Emmanuelle CORDOLIANI
"Son sort"
Recroquevillée
Couverte des pieds à la tête
De gants de foulards
De vieilles nippes empilées
Elle crapahute
Ses pieds mal chaussant des tennis
minus, défoncées
Elle va mon chemin pliée
En un angle droit
Son bras est toujours tendu
Qu’elle marche ou non
Au bout le carton gobelet
Le frère du carton maison
Et des couvertures
Quelque part cachées, cartonnées
Elle est minuscule
Je voudrais croire qu’elle est
Une élève actrice
Qui apprend à faire la vieille
Doigts de pieds serrés
Dans les souliers, salis exprès
Pour savoir comment
Ça fait la lenteur, la vieillesse
Être misérable
Mais elle n’est pas pour jouer
Ni tortue d’Achille
De Stanislavski, de Strasberg
Ni allégorie
C’est une pauvre créature
Un corps rompu
Qui s’en va mon chemin
Emmanuelle Cordoliani : "Son sort" est extrait de la série Bitume-plage.
Joue, écrit, enseigne, met en scène et raconte des histoires.
Son blog : https://www.lecafeeuropa.com/blog
Alexandre Piquion | Aquarelle
Son site : lesubtildelepee.com
Sa chaîne : Le subtil de l'épée - YouTube
Texte et photographie
Catherine SERRE
"Manuscrit des transparences"
Faire confiance à la lune nocturne, faire confiance à la lumière rasante, la voyageuse circulaire traverse une ville, elle arpente un sol nocturne, un sol de ville qui dort, un sol de ville qui fuit sa propre chaleur, faire confiance à ce qu’elle écoute, faire confiance à la lune nocturne, la voyageuse du circulaire allongera le pas, avalera la fin de la nuit et rejoindra au matin les bords d’une rivière cachée, elle versera ses eaux rougies sur les galets blancs, la voyageuse circulaire est en confiance avec le temps suspendu, son pied quitte le sol parcouru maintes fois, un court instant dans le temps suspendu elle tient son corps en élévation, elle s‘appuie sur ses ailes déployées, elle se fait tiède, elle flotte légère vers le matin, elle survole un sol régulier et uni, trop peu sauvage, un sol entretenu balayé lavé réparé, sans anfractuosité, un sol de ville plat et lisse, une construction qui délimite et sépare, mais la ville ne sait plus partager le sol entre la voyageuse du circulaire et tout ce qui se déplace dans l'air nocturne, sur le trottoir aucune chance de trouver les herbes ensorcelantes, aucune chance de cueillir les racines utiles aux dormeuses, la rumeur des villes annoncera les voyageuses, le trajet circulaire de celles qui traversent l'opaque, juste avant la bascule, juste avant de rendre pleinement leur poids à la terre.
Catherine Serre : De l’écriture au montage son, de la vidéo à la performance, des mots aux arts plastiques, elle est bougée par une langue rythmée qui tente de revisiter ce monde désarticulé. "La maison de Mues" aux Editions L'Arbre à paroles paraît en février 2023.
Composition graphique et texte
Anne DEJARDIN
Femme, celle dont on vient, dont on se souvient, celle d’après, portée au plus près, qu’il faut lâcher un jour et devenir la mère de toutes, femme père et mère, femme sans enfant, femme à hommes, femme volage, nymphomane, femme dont on ne naîtra pas mais c’est tout comme, celle qu’on devine, celle qui vieille, celle qui aide à vieille devenir, celle qui meurt, celle qui est morte, celle qu’on n’a pas aimée assez, celle qui remord, celle qui reproches, celle qui colère, celle qui punitions, celle qui exige vérité, celle qui comme cela et pas autrement, celle qui cuisine en détestant, qui rajoute le sel quand c’est trop tard, celle qui manque, celle qui incomprise, celle qui et puis non, celle fin de lignée et le service qu’elle rend aux autres qui ne viendront pas, femme fente, femme en creux, femme jouissance pourtant, femme.
Anne Dejardin explore actuellement les résidences secondaires d’une station balnéaire depuis Le nom qu’on leur a donné… Sur son blog, L’impermanence des traces, https://annedejardin.com, elle écrit pour chacun d’eux une microfiction qui dévoile un peu de leur histoire. Ses vidéos anne dejardin - YouTube sont portées par les voix d’autres artistes et cette multitude de voix teinte le projet de l’élan du collectif. Ses borderies au fil bleu illustratives de ces noms sont sur https://www.instagram.com/dejardinanne/ .
Composition graphique Thérèse CIGNA
Travail sur radiographie
Texte de Nathalie HOLT
Elle
Elle a patiemment épinglé chaque lambeau de sa peau les os saillant sous la nue. Elle montre sa chair arrangée relevée comme coiffée et sa chevelure est libre. Les cheveux pèsent aux épaules. Elle n'est pas droite se dit-on elle penche elle peut tomber. Si elle sourit c’est un trait sur sa bouche qui est noire. Elle a tout perdu pense-t-on quand soudain elle se dresse et s'ébroue. Sa chair cousue tourne. Elle ouvre grand les bras jusqu'aux mains en grand. Elle danse.
Thérèse Cigna : écrivaine et plasticienne, est animatrice de la rubrique art et culture -TV Royans Vercors et Gresivaudan. Membre du comité d’organisation Drôme -Isère de la BASI -Saint-Etienne https://cigna.book.fr
Nathalie Holt : Scénographe de théâtre et d'opéra, Nathalie Holt vit dans le nord de Paris près d'une forêt. Elle a publié un recueil de nouvelles : "Ils tombaient".
Texte et composition photographique
Caroline DIAZ
Elle ne sait plus quand ça a commencé, des intuitions, des visions qui s’imposent, elle ne sait pas d’où ça vient, peut-être d’avoir frôlé la mort, un sixième sens. Elle se sert du tarot et des tâches comme d’un plan, ça l’aide à trouver un chemin dans les pensées qui surgissent. Elle reçoit dans une pièce aux murs blancs, plafond haut et tommettes, l’air est chargé d’encens ambré. Sur une petite table rectangulaire il y a un bloc de papier à lettre, un encrier, une plume, de part et d’autre de la table deux chaises identiques en bois massif. Elle invite à s’asseoir, détache une feuille du bloc, la caresse du plat de la main en douceur. Elle ouvre le flacon d’encre noire, elle dit prenez la plume, sept taches, où vous vous voulez, on s’exécute. Alors elle plie la feuille en deux, la presse, puis l’ouvre lentement, la retourne, observe ce qui se révèle avec un soupir de satisfaction. Un papillon, un monstre à deux têtes, une orchidée sauvage, des yeux en amandes. Elle commence à parler, sa voix grave se plie à la douceur, convaincre et rassurer. Toujours les mêmes ressorts, l’amour, l’argent, un mensonge, une promesse, un mouvement. C’est écrit, étalé sous ses yeux dans le reflet bleu de l’encre. Un homme jeune, il travaille avec vous ? ou bien avec votre mari ? c’est un ami, vous pouvez lui faire confiance… un avion, vous avez un projet de voyage ? oui, ça va se réaliser mais il y aura un contretemps. Elle le dit, son regard à la rencontre de l’autre. Je vois une femme, un chignon, votre mère ? … À voix presque basse elle continue à dire, obéissant aux sourires, aux regards inquiets, aux acquiescements inconscients. On écoute, impressionné par ses paroles prophétiques, elle rassure, elle questionne, elle intrigue, elle le dit. En face la langue se délie, on la met sur la voie, on se laisse aller aux grandes confidences, parfois on pleure, elle console. Elle propose un tarot — pour vérifier —, elle se mord la lèvre, murmure, le valet de trèfle... une rencontre, un homme brun... On donne l’argent, discrètement, tout ici sent le secret. Les jours, les mois qui suivent on ne peut pas s’en empêcher, à chaque cahot de la vie, on se souvient de ses paroles, elle l’a dit.
Caroline Diaz : publie sur son blog Les heures creuses un journal hebdomadaire mêlant textes et photographies. Sur sa chaîne youtube elle explore mémoire et traces, noue des liens. En avril est paru son premier livre, Comanche bit.ly/ComancheLeLivre , récit intime sur les traces de son père.
Les photographies qui suivent sont issues des films de la poétesse Milène Tournier, ainsi nous vous invitons à découvrir ses splendides vidéos-poèmes, notamment "J'ai rêvé cette nuit j'étais la nuit", "Alchimie, toutes les forces en présence et absence", "J'ai rêvé cette nuit j'étais la gardienne du paradis"...
Sa chaîne youtube : https://www.youtube.com/@MileneTournier
Milène Tournier écrit des livres de théâtre, poésie, et des poèmes vidéos. Son dernier recueil (février 2023, Castor Astral) « Ce que m’a soufflé la ville », esquisse une écriture de la déambulation.
Captation de son film, travail photographique "plastiques - ventres mimétiques" et texte
Gracia BEJJANI
"On pensait voler ça tremble"
on se raccroche
comme odeurs humides
ce peu
on respire en dehors
ventres mimétiques
poigne de corps
nos vies
aux voix pendues
ça fait claquer la peau
résonance incertaine
on pensait voler
ça tremble
prudence et rumeurs
à quoi ça tient
ce peu saisi
avance, ne hâte pas
vivre calqués
on recule
on parlera, nuages dans les mains
pour amadouer le ciel
l’air comme musique bercera nos bouches
froides d’oubli, isolées
on nourrit la poussière
ses grains grondent sous nos dents
on bouge à peine
ça imite les pudiques
bruyante masse nous déborde
présence à l’épreuve du rythme
on bouge éphémères
sans perdre gravité
on a la joie des accueillis
la vivacité des légers
on se raccroche au peu
ce presque
un point d’où se jeter
libres, s’éprouver autre
on dérivera comme sauvages
nus de carapace
ça dit l’entre-deux
l’effacement
on se croit sauvés, infinis
comme résiste le plastique
malléables coriaces
à notre façon
entre erreurs et vérités
ça sera
notre vie réconciliée
Gracia Bejjani : écrit, filme, photographie, écrit. Essentiellement publiée en revues (Décharge, Wam, La Kainfristanaise, Dire, Radicale…) ou en ligne (Courrier International, Plume Francophone, Hors-Sol, Poema…). Son œuvre fait l’objet d’analyses universitaires, de sujets de colloques et d’essais critiques consacrés à la littérature numérique. Elle participe à des manifestations poétiques (Festival Extra Litteratube à Beaubourg…). Elle tient une chronique dans Ici Beyrouth (https://icibeyrouth.com/author/graciabejjani). Sa chaîne regroupe à ce jour plus de 580 vidéos-poèmes. Cette production est centrale, mais non exclusive. Ses publications sont également accessibles sur https://graciabejjani.fr/ Sa chaîne: https://youtube.com/c/graciabejjani
Texte et images de ses vidéos-poèmes
Gracia BEJJANI
"On regarde pour ne pas oublier"
on se protège du ciel, trop grand au-dessus
sa fin tassée nous sera proche
ciel à terre, comme nos jours
enfermés par en haut
séparés de nos corps
on regarde longuement
le ciel intouchable, de nous encombré
on regarde pour ne pas oublier
hypnose de plafonds, ça s’allume s’éteint
et nos bouches d’enfant s’ouvrent devant les cuillères
on a appris à manger parler marcher…
émerveillés par le geste qui se fait
le mouvement, simple magie
on a oublié ces joies
on attend les miracles, dehors en haut
bouche ouverte, passive devant l’infini
l’avenir serait cette boule aux prévisions floues
mots suspendus comme feux aux danses illisibles
agir avec le maigre paradoxe du bien et du mal
se tenir aux croisées des dilemmes
ne pas oublier, les étoiles ne sont pas égales
la justice est mythe d’humains
se retirer enfin discrets, ce silence-là
se dire que certains anges veillent
comme yeux maternels, leur éternité
le ciel sans nuages ne raconte rien
contre l’ennui d’un temps beau
nos doigts s’accrochent aux symboles
s’arrachent des serments trahis
on est oubliés
on regarde encore les hauteurs, on oublie ce vide
bras tendus comme prière
on implore la grâce, desséchés
dehors comme dedans, des murs
des soleils impossibles à fixer
lunes patientes
pleines comme les voix qui aiment
nos horizons sont vestiges levés
les peaux se lézardent de récits
vieillesse confiant le désordre des vies passées
nos chemins ne sont pas linéaires
branle de choix arrêtés
nos traces comme flux organiques s’entremêlent
l’échelle, vers quelle pauvre vanité
quand le ciel ne s’affronte pas
nos élans dissociés, confus
on a vu nos morts, muettes verticalités
on regarde pour ne pas oublier
on dit sa fiction, la couleur
on se représente
hantés communs
les cycles se répètent
remplir des formes pour se protéger
veiller les prisons, écrire cette ironie
on projette morts et vies sur la pierre
on se taira devant le réel
aveu fragmenté
Gracia Bejjani
graciabejjani.fr
youtube.com/c/graciabejjani
Texte et photographie
Marie BERCHOUD
"13 juin 1968"
En classe de seconde, on n’a aucun examen, sacrée chance, on peut donc errer, entre sit-in et cafés. Eh oui, les jeunes plus vieux que nous veulent faire la révolution et… bon. Grâce aux explications des profs de philo dans les cafés, on suit le docteur Carpentier avec son tract Tankonalasanté, libérateur de nos vies et nos désirs.
Dans les campagnes, c’est facile, on danse aux fêtes et on se rapproche ! À Belfort, notre lycée a été libéré par les Terminales et la chatte n’a rien pu faire contre. La chatte, c’est la surge, et ce petit nom lui va comme un gant. Plus tard, on dira CPE. Qui ont soi-disant remplacé la surveillance par le conseil. Hypocrite société ! Ah, mai 68, les seuls gagnants sont ceux qui l’ont fait, sinon ce mai 68 a vraiment niqué les générations d’après ceux qui pilotaient le binz et le bizness, à commencer par la mienne. Si je le sentais ? Oui. La vie venait de déjanter. Le 11 juin 1968, on s’en souviendrait à vie, la police avait tiré sur la manif de Sochaux et tué deux ouvriers. C’est juste, ça, de mourir quand on défend une cause et la liberté ? On dirait la guerre. Mais entre qui et qui ?
Photo © Marie Berchoud : cygnes sur le bassin du château de Vizille (Isère) où a commencé en 1788, ce qui allait changer l’Histoire. Le texte est un extrait de : "Origine Incendie" (récit à paraître), chapitres alternés entre 1813 (Madeleine, l’ancêtre) et 1968 (Madleen, héritant d’un lignage compliqué).
Enseignante à divers niveaux en France et hors de France, engagée dans les activités d'écriture à partager. Encore.
Même à la retraite... active : double ou triple ration de lecture, d'écriture, de partages !
Toile de Joseph NOCE "La danse de la veuve"
Texte de Thérèse CIGNA
"La guerrière"
Déchirée
Dans cette société
Qui la méprise
La juge sans pitié
De ses chaînes qu’elle brise
Pour être respectée.
Elle doit se battre
Chaque jour
Pour défendre sa dignité
Attendant son tour
Sans jamais pleurer.
Avancer
En serrant les dents
Le cœur lourd
Les poings fermés
Fière
De ne jamais tomber
La guerrière.
Thérèse Cigna : écrivaine et plasticienne, est animatrice de la rubrique art et culture -TV Royans Vercors et Gresivaudan. Membre du comité d’organisation Drôme -Isère de la BASI -Saint-Etienne https://cigna.book.fr
Joseph Noce : artiste plasticien français (13/7/1950) Abstraction et figuratif ludiques : www.josenoce.com Je suis artiste plasticien à plein temps, depuis ma retraite de l’éducation nationale en septembre 2010. J’ai été pendant mes 20 dernières années professeur de français à l’ESAAT, école supérieure arts appliqués et textiles à Roubaix, France. Mais je suis aussi musicien, et peins, dessine, photographie, écris (poésie, romans, aphorismes), sculpte, depuis plus de 40 ans…Je qualifie de ludique mon travail artistique, parce que j’expérimente sans cesse, comme un enfant découvrant la vie, avec admiration, parfois inquiétude, mais toujours en m’amusant…J’essaie ainsi de mettre en adéquation l’humour, la poésie, les chocs chromatiques, la nature, les bêtes, les plantes, la BD, les gens, via la culture littéraire de mes études, et la maturation lente qu’elle m’a prodiguée, à travers les livres si divers que j’ai dévorés avec appétit. Techniquement je suis un autodidacte, visuellement, sensiblement, et intellectuellement impressionné par les nombreux maîtres que j’ai visités, en tête à tête aux musées internationaux, ou dans les bouquins dédiés…J’ai plus d’une cinquantaine d’expositions à mon actif, seul ou avec des amis artistes.En France: à Lille, Gravelines, Boulogne, Villeneuve d’Ascq, Senlis … En Belgique : Bruges, Estaimbourg… En Italie : Vieste (Les Pouilles), Venise, Messine, Bologne, … En Inde : Bhubaneswar, Puri, Hyderabad. En Turquie, Eskisehir, Han. En Roumanie, Alexandria, Nenciulesti, et en Russie … J’ai participé deux fois, pendant un mois à une résidence d’artistes internationale en Inde octobre 2018 à Bhubaneswar, et en octobre 2022, et à un symposium d’art international en Turquie, octobre 2019, à Eskisehir. (Han), et en Roumanie deux fois (Nenciulesti), en juin 2021, et mai 2023.
Texte et photographie
Véronique DIMICOLI
"Ma Loire, ma soeur"
Dans ta cambrure
pouliche
crinière
de sable
Je pose
ma main
Ose
à la lisière
des eaux
toi
et le ciel
et ma peau
Chemins
derviches
Un jour ci
Un jour là
Tourbillons
et fables
émouvantes
d’oiseaux
Ton lit
Parures
Mouvantes
de bancs
en crues
Une grue
à ton flanc
Témoin
révérencieux
du limon
silencieux
Que vienne
l’heure
ma Loire
ma soeur
qui relie
nos soleils
couchants
Que vienne
l’heure
du courant
rieur
à nos veines
merveilles...
Véronika Viviane Dimicoli : Comédienne, auteur et metteur en scène, Véronika Viviane Dimicoli fonde la Cie Folheliotrope en 2015 où elle signe une première création primée au Festival Off d'Avignon en 2018, inspirée de témoignages d'enfants placés. Elle a créé depuis deux contes musicaux en cours de production dédiés aux enjeux de l'écologie. Lauréate du prix de poésie jeunes de la ville d'Angers en 1989, elle a publié depuis des poèmes, des nouvelles et des entretiens dans plusieurs revues littéraires. Plus d'informations : http://www.veroniquedimicoli.com
Dessin de Charlotte MASSIP
Texte de Gaëlle-Bernadette LAVISSE
"Silence"
Ce bruit assourdissant
ou est-ce leur chant?
qui crie du fond de leurs âmes
souffrances des femmes le soleil sur elles
ne laisse plus d'étincelles
les ensorcelantes que Lilith enfante
ou est-ce Eve la blessée d'une colère inexprimée
femmes en poussières
fragments de la Terre
femmes grillagées privées de liberté
Femmes de scènes
La strada coulant dans leurs veines
Flammes, femmes, fleuves que la source abreuve
femmes de malédiction la rumeur un aiguillon
femmes amérindiennes ta terre qui est mienne
femmes oiseaux des nuits sans lune désarticulées
dans les dunes femmes oubliées femmes jamais nées
vouées à se taire dans cet hémisphère
femmes, je suis de celles-là transparente, oubliée, sans voix libérée un jour d'été ma voie retrouvée
femme un temps invisibilisée d'une histoire
simple reflet est ce douce folie?
une parole posée aujourd'hui
visages unis-vers-celles qui ont porté en elles le monde.
Gaëlle-Bernadette Lavisse : pigiste, écrivaine-biographe, je suis passionnée d'écriture depuis l'enfance. Le théâtre, la musique, la peinture, la poésie, l'art en général m'invitent à la rêverie et l'écriture. Déléguée jeunesse à Arts et Lettres de France, Déléguée jeunesse au Bleuet International, ma mission est que les jeunes soient acteurs de leurs littératures et y prennent goût."
Charlotte Massip : formation à l’école supérieure Estienne des arts et industries graphiques à Paris et dans l’école des Arts Décoratifs de Strasbourg. J’ai exposé dans différentes galeries (Michèle Broutta-Paris XVe, Fürstenberg- Paris VIe, Wégimont en Belgique, Monastère Santa Clara à Séville « hommage à Francisco de Zurbaran » en Espagne , l’Orangerie du Sénat été 2014 et juillet 2018, la Fondation Taylor en février 2019…Aussi l’Académie de France m’a soutenu en m’offrant une Résidence en tant que membre graveur à la Casa de Velázquez à Madrid (2012/2013) . Dés le début, j’étais attirée par les œuvres frissonnantes, délicatement vibrantes et tout en finesse, telles celles de Hans Bellmer, Rodolf Schlichter, Dominico Gnoli, Fred Deux et José Hernandez… J’aime la gravure, parce qu’elle va dans les détails chercher la vérité.
Croquis du comédien Philippe PASQUINI
Texte de Rebecca ARMSTRONG
la mer ou la danse de la mouette | l’encre noire ou la page blanche | la main ou l’arabesque dessinée | la brise ou la chevelure emmêlée | la branche ou l’écorce parfumée | La maison racine ou la fenêtre toile | la lune berceuse ou la perle salée | la cheminée ou la braise incandescente | la lumière pâle ou la brume épaisse | la route infinie ou la sente ombragée | la soif ou la langue inconnue | la note continue ou la fugue | la feuille morte ou la pelouse moelleuse
Qui ensorcelle ?
la foi aveugle ou la question oubliée | la guerre rouge ou la gloire passagère |l’avidité croissance ou la course folle | la lettre X ou la planète éloignée | la médaille au revers ou la campagne ruine | l’élection ou l’érection | la nuit brute ou l’aube reculée | la lumière brune ou l’urne embrigadée | l’arme pointée ou la bataille à gagner | la puissance détournée ou la lutte perdue | la peau loi ou la frontière digue | la vague nation ou la peur apprise
Qui ensorcelle ?
C’est elle
Rebecca Armstrong a publié "Un deux trois" aux éditions Christophe Chomant en 2023. S'engage pour que la ville de ROUEN devienne la capitale européenne de la culture.
Philippe Pasquini est comédien de théâtre et de cinéma.
Piero COHEN-HADRIA
"documentaire"
ses cheveux bleus
son sourire gai
comment vit-on en Russie quand on n’aime ni la dictature ni la guerre ? Dépression, provocation, jouer avec sa mort, la filmer
quelle autre alternative à sa propre mort envisager ?
« Fuir, là-bas fuir » dit le poète
Marusya Syroechkovskaya cinéaste russe, trente-quatre ans, comment exercer son art ? Comment transcrire les âffres dans lesquels son ami, son amour sans doute, Kimi, se débat ? Le suivre ? Voilà deux ans qu’il est mort (trois maintenant). En réchapper, faire un film, l’intituler « comment sauver un ami mort », douze ans de journal, montés mixés présentés
résister tenir et continuer
Piero Cohen-Hadria
chez Denis Pasquier (https://denispasquier.com/fr/accueil) éditeur photographe) un livre est à paraître "L'ombre blanche, le street artiste Rue Meurt d'Art" avec un texte qu'il m'a demandé (j'ai collaboré de nombreuses années avec cet ami - disparu en décembre...) : nous le présenterons en librairie avec l'artiste en question (Jean-Marc Paumier) (http://ruemeurtdart.com/).
Photographie de la compositrice Marion BOURDIER
Texte d'Emmanuelle RABU
"Madame Loyal"
Par ici
Mesdames et Messieurs Les enfants
A l’instant
ce qui se vit
vous regarde
Un sursaut périlleux
la voltige dans l’œil rond
d’Auguste sur le fil
Cuivres fauves
Vous savez tous
— applaudir —
le cirque qu’est la vie
cavalière en tue-tue
sous le chapi-chapeau
d’un cyclope ébaudi
Emmanuelle Rabu : dernière parution : la nouvelle « Le chant du coq » dans l’anthologie « Horizon Perpétuel 2021 – Animal ad hominem », Flatland éditeur, juin 2023.
Marion Bourdier : Enseignante de piano dans les conservatoires de Paris, compositrice.
Nombreux projets avec différentes compagnies (théâtre, opéra, ballet, cirque...).
Découvrez SÌĘRRÅ MUSIC sur #SoundCloud https://on.soundcloud.com/6syo1
Toile de l'artiste MAÏPO "La sorcière volante"
Texte de Zohra MRIMI
Vous ne connaissez pas sa voix
Elle doit bercer les âmes
Je prononce son prénom,
c'est presque sa voix
Ensorcelante
Je l'ai lu plusieurs fois et
Ses mots plient le temps
et l'espace à volonté
Je te récite "omri"
Cela veut dire "ma vie"
Sans cesse, tu noues tes cils au soleil
À côté de toi, le splendide coucher
puis
Elle
Je tiens la lune
feue elle
Maïpo, artiste peintre : Le dessin, c'est un de mes viatiques : donné par ma famille.
Moments de paix, puis besoin de m'exprimer. Je me laisse dessiner sans le vouloir, du moins, j'essaie.
Mes influences sont multiples : Miniatures arabes, enluminures, art sumérien, égyptien, hindou, art brut, Surréalisme, ....
Zohra Mrimi : est aide soignante, le soin c'est aussi le relationnel et la poésie est une magnifique thérapie.
Son premier recueil : "Le jour fait l'adieu" (édition Z4).
Son second recueil : "Le nom de mon éternité" (édition L'Harmattan).
Photographie
Valérie CASSISA
Valérie Cassisa est enseignante d'anglais au lycée Voillaume d'Aulnay-sous-Bois depuis plus de dix ans.
Elle mène de nombreux projets pédagogiques avec ses élèves de terminale et de BTS autour de l'exclusion, du multiculturalisme et de la nécessité d'intégrer la différence dans nos modèles de société.
Elle est également très engagée auprès des démarches humanitaires et humanistes de SOS Méditerranée.
Ici, une photographie de cette mer si persuasive et séductrice
depuis la plage de Cabasson à Bormes les Mimosas.
Pour elle, la véritable dimension ensorcelante de nos vies urbaines réside dans la MUSIQUE,
aussi nous propose-t-elle d'écouter ce duo entre
Albert King et Stevie Ray Vaughan
https://www.youtube.com/watch?v=P7A12LuA8-U&pp=QAFIBQ%3D%3D
"Juste ce lien musical qui vous donnera une idée de ce qui est selon moi l’essence de l’ensorcellement… just enjoy !"
Aussi, cette proposition nous permet de vous dévoiler le thème de notre nouveau carnet de création pour début janvier 2024 : My hot body into the town.