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Photographie Opération Overlord, plans opérationnels de la Résistance française

Texte de la poétesse palestinienne Fatena Goura

"La femme de l'amande"

Elle fait de l'amertume des choses une couleur bleue

Elle oppose le sommeil à une blancheur toujours enivrante

Elle mêle la faute à l'incantation de la prière

Elle accède en silence à la lumière

Elle resplendit... elle plonge le soleil en un nectar de délice matinal

Elle seule, la femme de l'amande, aime le délice matinal

Sa torpeur emmène un homme au goût de figue de Barbarie vers un hiver ensoleillé

Elle le prend entre ses deux mains comme un enfant

Elle le renverse comme une pâte sur le point d'arriver à maturité

Elle lui ôte ses épines denses une à une

Elle le séduit par son innocence

L'homme au goût de figue de Barbarie gravit son seuil en cascade

Et lorsque les deux espaces se rencontrent

Naît la cinquième saison.

Toutes les maisonnées doivent se réveiller

Je marcherai dans les quartiers de la ville et je frapperai à chaque porte

Je lancerai des cailloux sur les fenêtres

[...] Je hurlerai

Réveillez-vous, fainéants

Qui jouissez des plaisirs de matinées

Levez-vous

Il n'y aura pas de matinée aujourd'hui,

ni de soirée

Je ne laisserai personne tranquille.

Fatena Goura

Extrait de Trahison du Seigneur, traduit de l'arabe par Maram al-Masri, dans l'anthologie Le Cri de Gaza, 19 poètes de la Bande de Gaza et de Palestine, éd. Le Merle Moqueur. 

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Texte et photographie

Perrine Le Querrec

Observer

les intervalles

entre chaque construction

chaque maison

des coulis d'air

une ville feuilletée

les frémissements de l'architecture

pas de bloc pas de continuité d'uniformité de solidité

un corps démantibulé

érigé sous la croisée des câbles électriques

dense toile noire

inévitablement divisée

Le plus solide c’est la lumière

Ici j’ai une nuit d’avance

Perrine Le Querrec​​

A publié de nombreux recueil "Ruines", "Les Tondues", "Rouge Pute", "Le Prénom a été modifié"...

et le très remarqué "Warglyphes" (comment écrire la guerre ?) aux éditions Bruno Doucey.

Son dernier recueil rend hommage au danseur Vaslav Nijinsky... Elle rejoint actuellement les éditions Les Inaperçus.

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Le cratère

je veux y déposer tout au fond le fort blanc de ton crâne

cette force d'âne frappée dans les cymbales 

bleu le cratère à force d'être gelé

y descendre tes genoux pliés sous le coeur

déposer ta peine et tes crevures

le sel dont tu te couvres pour ne jamais pleurer

grand guy sans toi ni personne qui puisse

tu beugles et jachères dans ta vomisserie d'huile 

et l'on te voit sur ton seuil 

hurler ta gardasse et ton fiel

contre ceux qui te commettent en parjures

disent de toi la vieillesse et l'impur

et bien pire : rient chaloupe en dedans 

contre tes joies liasses à rockeuses

toi sur le sein des villes quand les mamelons d'or ne voulaient plus de toi

tu t'es alors réveillé en bordure

loin du centre des tracas les solitudes infectes

tes petits jeux infects de solitaire infect

alors en bordure, soudain fier de toi,

tu t'es procraché dedans, un vrai cratère de plutonium,

tu te voulais monstre au coeur d'or, excellant sur la piste des suicidées

dont tu vantais les oeuvres, n'aimant pas femme vivante sans peine aux trousses

tu les veux tous à genoux pliés

crachador d'impuissance

alors regarde, guy, écoute l'homme penché de la réserve navajo qui te dit

sa voix murmurée

dans les broussailles maigres du désert :

les monstres n'existent pas, il ne reste que des hommes

des hommes 

des hommes des hommes parmi les hommes

 

et par-delà reste le goût

ce quelque chose d'effroyable

qui devient la peur

qui tue tout sur son passage.

texte de Fatna B., photo de Jamal Maraou, volcan Java Go Pagupon Bromo

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Toile d'Isabelle Becker

Texte de Fazia Raja

"L'autre jour tu as dit"

l'autre jour tu as dit

je n'aime pas ce que tu dis

je rentre dans la coquille pleine de sang

je me planque à la maison 

le coin le moins chaud

c'est dans l'angle derrière le canapé

je suis chose sombre

un dos qui dépasse

j'ai trois ans je me planque

l'homme boit le café dans la cuisine c'est un ogre

les enfants crient dans la rue - il passe - il n'entend pas

il fait toujours semblant de ne jamais comprendre

il prend le fric qu'on lui donne

jamais merci jamais sympathique

c'est toute l'autorité dans le non sourire

toute l'autorité de l'homme

dans le non sourire

il paraît que ça fait mouiller les femmes le non sourire

tu dis parce que ça fait moderne de le dire

c'est has been de sourire

c'est pas haute société de sourire

il faut remballer cette gentillesse faiblarde

tu dis c'est ton poitrail de père qui dit

le poitrail

et pas la face qui pourrait

et ton café dans la cuisine

son fumet âcre dans ta grosse narine d'homme

d'homme qui fait le poids

charisme de rocher de calebasses

mon orgue de barbarie

Fazia Raja

pour Les villes en voix

depuis mon sud marocain

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Chorégraphie de Anna Hop

La chute de Dora Maar

Texte de Sophie Torresi

La main tendue question muette
pas entendu je dis pas de cash
sans m'arrêter pas le temps tu traces
le doigt tendu le doigt de qui
le temps pour qui - le temps
pour ceux que tu connais et reconnais
la main tendue vite oubliée
question muette pas si muette
question pour qui question qui colle
chope au colback te colle au mur - rappel
petit rappel d'humanité

Sophie Torresi est la créatrice du spectacle Apnée.

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Il reste des humains qui parlent

Nancy Pelosi, représentante démocrate des Etats-Unis a aujourd'hui 85 ans. Elle prend la parole devant le Congrès américain. Elle raconte comment on en est arrivé à savoir ce qui se passe : un prisonnier a glissé un mot dans une notice d'emploi, accompagnant un jouet banal, vendu sur tout le territoire américain, sur tous les territoires européens. Un jouet, des fleurs artificielles, des vêtements, des chaussures, des sacs à main, du luxe français, des marques internationales, fabriqués 15h par jour par des hommes et des femmes, retenus prisonniers dans les camps de travail en République populaire de Chine. Uniquement des prisonniers politiques. Uniquement des ethnies musulmanes, des étudiants qui veulent encore écrire sur le mur de la démocratie.

Juste le dire pour qu'on sache.

Photographie : reportage exceptionnel de Tania Rachmanova, avec le plasticien Ai Weiwei dont le père, le grand poète Ai Qing, a été déporté. Documentaire sur le goulag chinois, Laogai, "Les camps, secret du pouvoir".

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Si miracle ...

C'est terminé le champ de foire

ton corps concassé, bleui

tordu, ses cloques

toi qu'as plus figure d'âme

c'est terminé Minoa

c'est terminé mon frère

c'est terminé Simlin

c'est terminé Tao

c'est terminé Minelli

c'est terminé mes soeurs

terminé Alizée

terminé le choc 

au champ les outils

perdus dans les ronces

transfuge la démence

les sots petits pouvoirs

violence et bris d'entraille

terminé les salives craquelées de cendres

ce grain dans la bouche ce qu'ils font aux dents qui sourient

terminé le chant strident des organiques

terminé les tenailles et boursouflures du ventre

terminé la transe abrupte de la peur

terminé la couleur ocre des jours sans

terminé les plaies

terminé le long tempo des braqueurs d'existence

terminé le jus dans ton sang

le jus dans ta couche

le jus de limaille à l'intérieur de l'oeil

maintenant

c'est maintenant

c'est fini le chaos d'ordres

tu pars à la mer

tu pars

et il y aura

sylvaine au doux chant de flûte

les profs de banlieue et tous les enfants leur clair de nuage

et les poètes reclus qui ont cessé de vouloir grandir par dessus les arbres morts

val, nath, laure, milène et louise

noémie à l'autre bout du monde

jam et robin

les oiseaux rares

la baraka 

juste des voix en bord de mer

quand il pleut vine

et plus jamais ce froid au coeur

texte de françoise b

photographie : Germaine Acogny

et Nora Chipaumire

chorégraphe de "NOT waiting".

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"L'horizon faible"

pour une fois s'attendre à ce qu'il ne frappe plus

ce sort imbécile

qui fait des marques au coeur

je me concentre sur l'eau jaune de la Seine

ses bordures désordonnées

l'aigrette cendrée qui se plaît à regarder

devant juste des ombres

qui vont trop vite entre les algues

Val C

Enseignante à Aulnay-sous-bois.

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Toile d'Anne-Marie Pamelard

Texte de Fabienne Savarit

"Reverdissons !"

 

Reverdissons !

abattons les hauts murs de l’école        

démolissons le béton

déchirons les blocs les fenêtres aveugles les garde-fous les chapes épaisses        

laissons entrer le soleil la pluie les bleus et les gris

partageons l’éclat des dessins le trait des poèmes les silhouettes espiègles        

retrouvons la cabane de branchages entre les arbres feuillus celle des cachettes des secrets des boites aux trésors         

guettons les bourgeons de glaïeuls les pousses de lentilles germant au creux des cotons humides         

accueillons les jeux le tumulte les cris et les rires sur la voie publique        

et que la rue danse à l’écho d’un regard à travers une haie

que la terre éclabousse les souliers et les herbes vivaces        

que les racines renaissent et transpercent les blocs des hauts murs de l’école        

abattons démolissons le béton !

Fabienne Savarit (poème) et Anne-Marie Pamelard (dessin).

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Afanador, du ballet national d'Espagne

texte de Nathanaëlle Quoirez

La complicité de notre agonie

 

La ville précipite sans cesse 

Au crépitement du son

Sa crue des ignorances

 

Quand manque le poids du mouvement

Le soin s’efface de l’instant

L’obscurité devient le jour 

Soleil, putréfaction offerte

 

La religion humaine 

Rapace et désœuvrée

Dilapide sa force

Croit sa hargne un destin

 

Je voudrais recommencer une ville

L’osmose et le respect

Chaque pierre pour offrande

Les âmes successives 

Car si habiter se bâtit

Guérir la plaie se partage.

 

Nathanaëlle Quoirez est l'autrice du recueil "Lettres à Madame" aux éditions Lurlure.

Elle anime des ateliers artistiques à Marseille.

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Sculpture anonyme de la forêt de l'isthme de Courlande 

Texte de Laure Gauthier

"un lieu-dit"

 

Le petit village a mangé son nom,

jusqu’à l’os

des cartes et de la voirie,

l’a mangé jusqu’au puits, jusqu’au mien

un village trop petit pour un nom,

nous n’avions pas d’adjectifs

il fallait grandir dans un non-nom

de lieu sans en faire état

ni un fromage

 

on trouve toujours un nom à ramasser

en se baissant dans le fossé

des souvenirs on trouve toujours

des surnoms estampillés

sur nos gestes d’enfants qui restent

des masques à vie

qu’on ne veut jamais démaquiller,

le visage dessous demeure hébété,

on trouve toujours des prénoms effacés sur

le visage des enfants redonnés,

qui cheminent avec leurs étiquettes recollées,

l’état civil s’arrange avec les trous

de la voirie et des vauriens

on trouve toujours à nommer

      tant bien que mal

à tout prix

 

J’ai grandi avec une gêne à l’endroit du nom

propre sans trop savoir,

un point de côté dans la marche,

la gêne est un nom d’enfant pour plusieurs buissons

obscurs, j’ai habité un petit village sans nom,

un hameau opaque,

qui m’allait bien

un lieu-dit avec des gênes dedans

et des sans gênes, peu de monde mais des maisons

de pierre, les logettes, des petites loges

et nous à l’intérieur,

mes parents et mon frère

disparu depuis, vivant, dans un trou

à retardement,

disparu dans la faille sans nom,

avec une gardienne de faille

qui le retient la tête au dedans,

là où c’est mou, sous l’étiquette,

il doit être un t-shirt blanc,

à présent, sans motif,

un non-lieu non-dit,

le hameau, il ne le connaît plus,

il est sous ses organes,

dans la mémoire, ce lieu-dit

tu, un lieu de faible étendue

à qui on a associé un nom,

deux peut-être même,

lui et moi en somme

Laure Gauthier est l'autrice du roman Mélusine reloaded aux éditions José Corti (Prix du premier roman), "Outrechanter" aux éditions La lettre volée, "Les Corps caverneux" (LansKine)...

Suivent ici le texte et les compositions photographiques de la scénographe Nathalie Holt, autrice des recueils "Ils tombaient" et "Averses".

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"What a fool are you" Nathalie Holt

 

Vidéo-poème de Milène Tournier

"je t'aime comme une manif"

à découvrir sur YouTube, grâce au lien :

https://www.youtube.com/watch?v=IVFt2A5c83M

Milène Tournier écrit des livres de théâtre, poésie, et des poèmes vidéos. Son recueil (février 2023, Castor Astral) « Ce que m’a soufflé la ville », esquisse une écriture de la déambulation. Son dernier recueil "Cent Portraits vagues" aux Editions Lurlure.

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Photographies et texte

Astrid Waliszek

Je pleure. Tous les matins, je pleure. Tous les matins, je vais dans la rivière noyer mes larmes. Tous les matins, je pense à Gaza. Tous les matins, je pense à l'Iran. Tous les matins, je pense à tous les juifs qui ne ne vivent pas en Israël et qui sont malheureux de ce qui s'y passe. Tous les matins, je pense à tous les juifs qui vivent en Israël qui ne sont pas d'accord avec ce qui se passe. Avec cette autorité, avec ce chef de guerre,  avec ce génocidaire. Avec tous ceux devenus ses sbires.

Tous les matins je pleure de colère contre tous ceux qui les soutiennent. 

"C'est la catastrophe humanitaire la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale." Jean‑François Corty, président de Médecins du Monde.

Astrid Waliszek est l'autrice du roman Topolina aux éditions Grasset, et de nombreux recueils de poésie.

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Composition photographique et texte

Catherine Serre

À la moindre occasion, la bande d’enfants s’enfonce dans la forêt de jardins. Courte échelle par-dessus le portail, volée de moineaux qui traverse la cour de l’école, et vite, vite, sauter la clôture, escalader un mur entre le terrain de sport et la liberté de jouer. La dernière enceinte franchie, en avant ! Explorations de taillis, escalades de tas de planches, fouilles des gravats d’un vieux château, excitation et peur, un peu plus loin à chaque visite. En soulevant une grosse porte posée à plat au sol, la bande accède au camp sous terre. Une cave en sous-sol au sol crevé, ici et là un reste de carrelage que les enfants balaient à l’aide de branches feuillues. Il est temps de rejouer les alliances et de former les équipes. Léo ne s'inquiète pas des tractations, elle a sa réputation de bagarreuse, ses griffures et ses coups de pieds sont craints, et puis elle est l’amoureuse du plus costaud des garçons, personne ne lui conteste l’entrée dans le repaire. Quelques fois, à l'écart des autres, Rémi chantonne en lui embrassant la bouche, il chantonne Une chanson douce. Léo trouve les baisers un peu écœurants, et n'apprécie pas la berceuse qui convoque les mamans, seulement être amoureuse lui plaît, mais elle préfère la bande, et adore les poursuites qui découlent de la question de savoir si Rémi et elle sont vraiment amoureux.  Sans répondre, en se regardant et en riant, sur un signal de pure complicité, elle et lui se mettent en chasse derrière les insolents, gare à eux !

Catherine Serre est l'autrice de deux recueils de poèmes "La Maison de mues" et "Soleil Ogre", aux éditions de la Maison de la poésie d'Amay.

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Photographie et texte

Emmanuelle Cordoliani

Sur Bitume-plage on passe toujours après le vent. Les objets éparpillés çà et là, le petit tas des corps endormis calfeutrés au carton, les lignes des vélos au sol, tout semble le résidu d’une marée. Quelque chose s’est retiré et en voilà le reste.
Ils se sont donné le mot, un mot de ralliement, mais plus j'y réfléchis moins cela me semble vraisemblable. Mettons qu'on leur a donné un mot, un mot de ralliement, un même mot pour tous, mettons qu'on leur a fourré dans le bec, écrit, oui, écrit sur un de ces bouts de papier fin comme tout sur lesquels s'impriment provisoirement les reçus de carte bleue, voilà, ça ressemble davantage à ce qui a dû se passer : c'est pas bien difficile de leur coller quelque chose dans la bouche quand ils sont là, hagards à tout heure du jour et de la nuit, assis sur le muret les yeux dans le vague, ou déambulant sur des tiges de verres tremblotantes, scrutant le sol à la recherche d'un peu d'or oublié, de quelque chose qui se fume, qui se met dans la bouche, justement, clac, le mot sur le papier roulé à la manière de ces cigarettes minuscules qu'on importait des Indes autrefois, clac le mot et illico, roulé jeunesse, ils sont saisis d'une détermination incroyable pour des loques pareilles, et ils courent amasser des trucs et des machins, tout ce qui leur passe sous la main, poubelles, chaussure égarée, laine de verre, bout de sandwich, bouteilles (ah ça, plein), sapin de Noël sans plus trop d'aiguilles, poussettes cassées, tout on vous dit, et ils entassent ce butin sur des grilles chaudes à même le sol, éloignées de 200 ou 300 mètres de celles des autres, tout ça pour se balancer leurs trucs et leurs machins avec une force colossale pendant toute une partie de la nuit (la plus sombre) et les rares à passer par là voient des objets voler bien au-dessus de leur pauvre tête bien fatiguée, sans y ajouter foi et les autres continuent les tirs avec la grâce des bûcherons au concours de lancer de tronc, les chaises en métal cabossées, les conserves de viande pour chien, les sacs de clémentines pourrissantes volent jusqu'à s'écraser alentour des grilles chaudes et ça dure toute la nuit ce cirque. Maintenant, ils dorment à plat ventre au milieu des détritus, inconscients, sur les grilles. Voilà, c'est ça la pitié.

Pour les villes en Voix / L’oeil du cyclone / Le reste
Emmanuelle Cordoliani | Le reste est extrait de la série Bitume-plage
joue, écrit, enseigne, met en scène et raconte des histoires.
Son blog : https://www.lecafeeuropa.com/blog

Photographie de Nicolas Tucat / AFP

Texte de Piero Cohen Hadria

Ce ne sont qu’incantations – ce ne sont que désirs volontés – faudrait-il aussi que nous nous armions ? La violence de la république et les forces de l’ordre sont les gardiens de la paix – les gardiennes de la paix – faudrait-il que nous prenions les armes pour qu’enfin la réalité de ces meurtres qui sont des assassinats soient enfin démontrée ? Les manifestations qui ont eu lieu, bien sûr après les terreurs de 2015, bien sûr que le pouvoir en profite, bien sûr qu’il est téléguidé par les forces de l’argent qui peut encore en douter ? La littérature, les arts, la culture, tout est là et voilà que ça ne sert à rien si on ne s’en sert pas. Les villes en voix, est-ce que ce serait le lieu ? Je ne sais pas, je travaille, je tente de sortir la tête de l’eau, je mets un mot derrière l’autre puis encore un autre, encore et encore pour tenter d’exister, faudra-t-il que je m’arme d’autre chose que d’eux ?

Blogueur impénitent (http://www.pendantleweekend.net/ collectif au départ), je soutiens des aventures
participatives : je travaille avec des artistes écrivains : au sein du collectif L’Air Nu -
https://www.lairnu.net/) (avec Anne Savelli et Joachim Séné) où je défends, entre autres, un certain
cinéma; au sein du collectif maison[s] témoin (http://www.maisonstemoin.fr/, (avec Christine Jeanney)

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Exposition et texte

Perle Vallens

"A l’affût, l’œil"

 

L'œil se déplace sur les rails du métro
oscillation lente entre pieds et poings
la vigilance s'accorde un répit sur la rampe
où s'appuyer avant lancement
l'entrée dans le wagon sans hésitation d'un regard
qui ponce le sol et redresse les montants où s'accrocher
pole dance où cette fille se déploie et s'agrippe
comme à un bras 

 

L'œil surveille les mains fureteuses
reste en alerte attentif aux frôlements 
intempestifs 
que nul ne touche ou ne s'approche à moins d'un centimètre 
la mesure minimum de l'espace où respirer
sans crainte
les bouches se taisent et les yeux glissent
sur tant de surfaces dénudées
en imagination

 

L'œil perce chaque intention d'un judas par lequel observer
chasseur de fauves urbains aux prises avec la face
violente du réel
préférerait glaner les sourires dans le bitume
et un chant dans les murmurations humaines
s'efforce de figer la peur de l'autre côté de la vitre
défaire les quatre volontés du risque
et soulever d'un cil le silence alourdi
déloyal 

 

L'œil finit par caresser quelque chose
pour adoucir son voyage 

 

Perle Vallens est l'autrice du recueil "Attrape rêves". Au cœur d'une Provence d'adoption, Perle Vallens écrit et photographie. La poésie se tisse de mots et d'images, les uns nourrissant les autres. Ecrire c'est explorer l'intime et le monde, porter sa voix pour toucher. Lauréate du Prix de la Nouvelle Erotique 2021 avec "Toucher à la hache" au Diable Vauvert. peggy m, récit poétique et choral, est son dernier livre (ed la place, 2024).

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Photographie et texte

Philippe Minot

mer cherche ouragan

et tourments pour accoucher

d’inquiets firmaments

 

 

la mer s’alanguit

aux flibustiers aux noyés

aux flots d’organdi

Après des études de Lettres à Paris et à Lyon, Philippe Minot entre dans l’enseignement et est actuellement professeur à Reims. Publie poèmes et photographies, dispersés dans de nombreuses revues ou recueillis en volumes, dont les plus récents : Terreaux, haïkus, chez Encres vives (2025), 

L’œil ébouriffé, haïshas, préface d’Audrey Louyer, chez L’altérité (2024)

https://www.lalterite.fr/revue-epistolaire-litteraire-et-numerique/itemlist/user/74-minotphilippe

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Composition picturale et texte

Anne Dejardin

C’en est trop

C’est ce qu’il dit

Le cyclone

Le roi du sans limite

Il le dit

C’en est trop

Depuis son œil de cyclope

Tout ce qu’il voit

Les ventres affamés

Des immeubles de la ville évidée

L’impossible de son silence

L’impensable actuel du monde

Hors toute imagination

Comme un cercle brisé

Fendu vers sa ligne de fuite

Une marche de pas perdus

Quand tout l’est

Slogans, manifestations, protestations

Son œil sévère

C’en est trop

Un reboot des cerveaux

Une réinitialisation il faut

De ceux qui se croient

Tous les droits ici comme là-bas

La vérité toute crue

De l’histoire toute nue

Disqualifiée, niée, utilisée,

Méconnue

Dans l’œil du cyclone

À peine une larme

Qui le fait cligner

Avant de se rire de tout cela.

Anne Dejardin

Son dernier livre "Elle parle des corps" aborde le thème de l’abandon à travers la douleur de différents personnages. Elle poursuit sur son blog et sa chaîne YouTube l’écriture de microfictions à partir des noms de villas d’une station balnéaire de la Manche qu’elle a intitulé : « Le nom qu’on leur a donné… »

Mes livres – L'impermanence des traces (annedejardin.com)

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Texte et photographie

Mokhtar El Amraoui

"Telles marelles d'eau et de miroir"

 

Tant de pages sur ces miroirs de la ville 

les remuer les secouer 

avec leurs pleurs et secrets

de nuits de jours de noyades et de retours

d'oeufs-matins éclos et de lames de nuits 

à l'insomniaque lunaire 

 

Tantôt pas légers tantôt lourds 

Ailes tues puis retrouvées 

au-delà d'inutiles silences 

dire crier chanter son admiration 

devant le tout-danse le pan-couleurs 

s'immerger dans l'alphabet des plumes

écrivant une vie entre appels rappels et oublis

sous les dards-fards des soleils et des aiguilles 

de l'impitoyable sourd Chronos 

 

Culbutes dans les azurs en dés 

de l'espiègle hasard jouant à la marelle d'eau 

du comme si de rien n'était 

Pourtant accepter la claudicante voûte des os

dans les parcours effeuillés des miroirs

en faire paradis de fête a portée de mains

avec ces bouquets de riens offerts 

par le généreux vent complice

qui toujours a su faire parvenir le pollen 

des passages en leurs tenaces traces 

de nuages de vagues d'herbes et de chats

 

Antiennes en dits de sables de soliloques 

de confidences de zinc pleureur des recoins 

ou encore selon les partitions respiratoires 

en plongées de ciels faits d'effusions florales

et de fusions enflammées par l'éternité 

des secondes habillées de l'envergure d'amour

 

© Mokhtar El Amraoui, poète tunisien.

Toile de Thérèse Cigna

Poème de Zohra Mrimi

“Ils ont griffé la nuit”

 

 

Ils ont griffé la nuit sur la belle voiture,

La belle voiture, c’est mon nid.

Sur ma poitrine,

Un cri sauvage,

Un reflet brisé sur le métal.

Pourquoi

 

Ce sont mes efforts,

Mes réveils à l’aube,

Mes allers-retours,

Mes heures debout 

Je dors debout.

 

Ils ont tagué mon courage

Comme on crache sur une lumière mauve.

J’ai regardé les rayures,

Elles sont :

  une phrase inachevée.

 

Je deviens l’œil du cyclone,

Le calme après la vague,

Le calme qui repeint les trottoirs,

La main qui nettoie.

J’ai trop gratté…

Et puis,

L’âme qui témoigne.

C’est considérable.

 

La tristesse,

Le lièvre,

Se sauvent

Au petit matin.

Zohra Mrimi a publié un recueil aux éditions Z4, "Le jour fait l'adieu",

et "Le nom de mon éternité" aux éd. L'Harmattan.

Thérèse Cigna est peintre et plasticienne, longuement présentée dans la rubrique A propos de la revue.

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Texte et photographie 

Ugo Pandolfi

l’arracheur des murs

des affiches lacérées

arrache le sens

 

Ugo Pandolfi publie de nombreux textes en revues, au Tiers-Livre et en Corse.

Légende et droits : Jacques Villeglé au FRAC Corse en Janvier 2001.

Image extraite du  documentaire de Jean-Pierre Duntze et Jean Crozier pour France 3.

Texte et photographie

Xavier Le Floch

"Sous les regards en biais"

 

 

J’ai brisé ma brosse à dents devant son miroir,

j’ai craché sur l’albâtre des côtes normées

après avoir écouté ceux qui ne doutent pas,

ceux qui hurlent ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas.

Leurs certitudes font le rêve d’un monde orthogonal.

 

J’aimerais tant ne pas penser, ne pas pleurer.

J’aimerais traverser l’échiquier tête baissée,

crâne fendu, tel un fou des dieux et de l’argent.

 

Mais je sais si peu de choses.

Je cherche les chemins de traverse,

remonte l’obliquité des rayons lunaires

pour expérimenter, apprendre et comprendre.

Je ne crois en rien sous les regards en biais.

Xavier Le Floch

xavierlefloch.blogspot.com

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Toile libertaire de Claude Bolduc

Texte de Sébastien Bailly

"Traversée"

 

Je ne traverserai plus la ville

Où tu m’as humilié

Clouant mon âme aux façades

Les égouts

Débordant de mes larmes

 

C’était chez moi pourtant

Chaque rue

Et les carrefours où j’ai couru

Chanté

Aimé

Je ne traverserai plus la ville

Que tu m’as volée

M’arrachant aux terrasses

Me…

 

Ou j’irai poing serré

En l’air

Hurlant l’humiliation

Scandant le harcèlement

Rappelant de square en square

De place en place

Ton acharnement silencieux

 

Les murs m’ont brisé l’échine

Brique après brique sur la nuque

Le ciel est tombé sur mon âme

D’un gris ténèbres

 

J’ai dû fuir

J’ai couru

Tremblant

Respiration bloquée

Par la noyade

 

Mais je reviendrai banderoles au vent

La colère intacte

Tout le monde saura

Quand je traverserai la ville

D’où viennent mes cicatrices

 

Tu ne pourras éternellement

Te cacher

 

Sébastien Bailly est journaliste, collaborant notamment à Ouest-France, Libération et dans Télérama. Il est l'auteur d'une bonne vingtaine d' ouvrages, dont le récit "Autoroute", publié aux éditions Le Tripode.

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Création picturale de Maïpo

Texte de Gracia Bejjani

"Entre bombes et gâteaux"

𝙘̧𝙖 𝙛𝙖𝙞𝙩 𝙦𝙪𝙤𝙞, 𝙪𝙣 𝙗𝙧𝙪𝙞𝙩 𝙙𝙚 𝙙𝙧𝙤𝙣𝙚 𝙢𝙞𝙡𝙞𝙩𝙖𝙞𝙧𝙚 𝙚𝙣 𝙥𝙚𝙧𝙢𝙖𝙣𝙚𝙣𝙘𝙚 ? 𝙪𝙣𝙚 𝙥𝙧𝙚́𝙨𝙚𝙣𝙘𝙚, 𝙪𝙣𝙚 𝙨𝙪𝙧𝙫𝙚𝙞𝙡𝙡𝙖𝙣𝙘𝙚 𝙞𝙣𝙫𝙞𝙨𝙞𝙗𝙡𝙚 𝙨𝙤𝙣𝙤𝙧𝙚 𝙘𝙤𝙣𝙩𝙞𝙣𝙪𝙚 ? 𝙟𝙚 𝙣𝙚 𝙨𝙖𝙞𝙨 𝙥𝙖𝙨, 𝙟𝙚 𝙣𝙚 𝙨𝙪𝙞𝙨 𝙥𝙖𝙨 𝙖𝙪 𝙇𝙞𝙗𝙖𝙣 ; 𝙖𝙡𝙤𝙧𝙨 𝙟'𝙖𝙞 𝙚𝙨𝙨𝙖𝙮𝙚́ 𝙦𝙪𝙚𝙡𝙦𝙪𝙚𝙨 𝙢𝙞𝙣𝙪𝙩𝙚𝙨 𝙙𝙚 𝙗𝙖𝙩𝙩𝙚𝙪𝙧𝙨 𝙚́𝙡𝙚𝙘𝙩𝙧𝙞𝙦𝙪𝙚𝙨, 𝙣𝙚 𝙨𝙤𝙢𝙢𝙚𝙨-𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙥𝙖𝙨 𝙧𝙚́𝙥𝙪𝙩𝙚́𝙨 𝙥𝙤𝙪𝙧 𝙣𝙤𝙩𝙧𝙚 𝙘𝙪𝙞𝙨𝙞𝙣𝙚 𝙖𝙪𝙨𝙨𝙞 ?

 

...frire les oignons, battre sucre et œufs

touiller entre bruits et odeurs

sous la voix élégiaque de Fayrouz

cuisine et drame sur Instagram

les écrans alternent, des gâteaux montent

des immeubles s’écroulent

notre Dame du Liban — ses vocalises

animent nos doigts — terrible hypnose

l’enfance comme éternité 

l’éternité, c’est simple (extrait)

 

𝘢𝘷𝘦𝘤 𝘶𝘯 𝘤𝘰𝘶𝘳𝘵 𝘦𝘹𝘵𝘳𝘢𝘪𝘵 𝘥'𝘶𝘯𝘦 𝘤𝘩𝘢𝘯𝘴𝘰𝘯 𝘥𝘦 𝘍𝘢𝘺𝘳𝘰𝘶𝘻 - 𝘞𝘢𝘵𝘢𝘯𝘪

Le vidéo-poème de la poétesse franco-libanaise Gracia Bejjani :

https://www.youtube.com/watch?v=REFqSUaeEqM​​

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Capture d'image du vidéo-poème de Gracia Bejjani

Texte de Mariroc Partoski

"Cœur désactivé"


Ils ne m’ont pas entendue tomber.
Juste un silence de plus dans les couloirs.
Un cœur qui lâche entre deux étages.
On a dit : "Elle s’est éteinte."
On a désactivé mon badge. Point final.
Depuis, j’erre dans les trains de banlieue.
Assise sur mon siège, les yeux grand ouverts.
Il est 5 heures. Les ouvriers dorment debout.
Je les regarde sans bruit.
Ils ont mes mains. Mes cernes. Ma fatigue.
Je traverse la ville sans laisser de traces.

Mais je vois tout.
Comme lorsque j’étais femme de ménage.
C’était avant mon accident du travail.

Les cadences qui cassent le corps et l’esprit.
Les regards qui glissent sur les vivants en sursis.
Personne ne parle plus de moi.
Pourtant j’ai laissé un œil dans la ville.
J’y vois les absents, les usés, les oubliés,
Les morts sans plaque.
Je vous croise à l’aube, dans la rame vide,
Quand vous croyez être seul.e.s.
J’erre dans l’ombre.
Je suis l’ouvrière fantôme.


Anita, décédée d’un accident du travail, le 18 novembre 2023.
 

Mariroc Partoski.
Méditactivation artistique en couleurs et en mots. Jeux de lumière et d’expression, entre peinture et écriture. Autodidacte, je laisse mes ressentis guider mon exploration artistique, tissant un dialogue entre la peinture et les mots. Mon univers oscille entre la spontanéité brute et la douceur naïve, un mariage singulier où les couleurs et les lumières s’entrelacent aux récits. Je parle de « méditactivation » artistique : une création éveillée par la méditation, qui se déploie vers celles et ceux prêts à accueillir ces fragments de lumière, de sens et d’émotion.
Depuis 2020, je partage mes créations : participation aux expositions collectives Salon des arts de Saint Maurice, de Charenton Le Pont et au centre culturel de la Cathédrale de Créteil (Val de Marne)
Revue Cabaret éditée par l’association Le Petit Rameur, dédiée aux écritures féminines, illustration de « Sur la route » et la couverture du hors-série annuel « Trente millions d’amis". Publication de textes dans la revue Cabaret « Cuisines et dépendances » et Missives, revue trimestrielle de la société littéraire de la Poste.
Sur les réseaux sociaux : Page Facebook de Mariroc Partoski et Mur Instagram de mariroc_art / Youtube.

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Capture d'image du vidéo-poème de Gracia Bejjani

Texte de Françoise Guillaumond

 

Extrait de «Furtives » - Ecriture et mise en scène La baleine-cargo - Françoise Guillaumond

 

Moi ? bête increvable.  Supportant privations. Se réjouissant d’un rien. Je fais la manche aux statues pour m’habituer au refus.
Comme l’enfant boit dans ses mains, j’ai jeté mon écuelle, mon frigidaire, mon blinder mixer, mon cuit tout, mon aspirateur.
Suis sans compromis, sans manigances. Ni roi ni terre. Va où bon me semble. Je ne possède rien. Je possède tout. Terre, ma maison. Ciel, mon ciel. Mon herbe. Mon océan. Mes nuages. Mon soleil.  Toi tu demandes : Est-ce que vivre est un mal ? C’est mal vivre qui est un mal.
Regarde animal en agite, en gratte, en pleurs, en gémit. Débouche les oreilles. Ouvre les ouïes. Fini le grand sommeil. T’entends pas les prémices du devenir en point d’expiration. Quoi tu fais ? Tu bailles pendant qu’eux désastrent ? Bon sang !

Tu la sens pas la vague qui arrive ?
Tout s’enfonce et périt. Et toi, t’y crois toujours ? Au miracle éternel ? Au cycle de la vie ? Pas si pire, tu disais ? T’es en bord de falaise en effondre et tu souris et tu souris et tu souris…
Disparue moitié mammifère à nous. Disparues espèces, plantes, arbres. Plus d’éclabousses en rivière. Plus de vie qui palpite dans le ventre gonflé en renverse du poisson en dérive. Déchirée la chair bleue poison.
Et voilà l’homme en fabrique de pandémies qui coupe les arbres, trace les routes, atomise la vie sauvage et voilà le vivant en dégringole.
Bonjour les petits porteurs de virus en grande prolifère. Plein partout des pestes et des carnages.
Et voilà la pestilence qui trépigne à la porte et frappe : Salut. Alors la terre ?
La terre, elle se dérobe, se carapate, se raréfie.
La terre, on l’a perdue à force de coups de force.
C’est un putain de temps de chien qui s’en vient.
Un temps à ne mettre personne dehors.
Un temps de loups avec les crocs qui arrachent et qui mordent.
T’aboules la monnaie presto fissa. Vas-y paye. Paye l’eau, le ciel, paye l’air. Paye aussi ta misère.
T’as rien ? Crève. T’as faim ? Crève. T’as peur ? Crève, crève et recrève.
Et nous v’là à payer la dette, la grande dette du rien, la dette de la terre qui roule en boule neige de plus en plus grosse. Tu demandes : le paiement à qui ? à Saturne ? à Vénus ? à la lune ? au soleil ? T’en es toute bouriffée.
Et nous voilà, toi, moi, elle, nous, toutes tondues comme moutons dociles. Vont nous bouffer si rien nous fait. Tu la sens notre colère ?

Françoise Guillaumond, dramaturge et comédienne dans la compagnie La Baleine-Cargo.

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Capture d'image du vidéo-poème de Gracia Bejjani

Texte de Catherine Plée

"J’ai milité pour des coquillettes"

 

 

J’ai remué ciel et terre dans la vinaigrette

Embouché sans violence les mégaphones

Harangué les gastéropodes endiablés

On a chanté tous les chants pulmonaires

Le temps des remises le chant des rompus et la diagonale

 

Je me suis échauffée tant et plus

J’ai réuni mes comparses obstrués

J’ai proféré des mots dans l’ordre

J’ai affiché un sourire

J’ai idéalisé les idéologies

Idolâtré les idéologues

Récolté des gerbes d’ismes

J’ai lutté à mains nues contre les marchands de théories

Je les ai cloués aux piloris bibliques

Je me suis radicalisée dans les verbes

J’ai tagué les costumes en pièces

J’ai distribué des milliers de traces

Et affiché mon désespoir

J’ai manifesté à plates coutures

Debout assise couchée ou dans ma chambre

J’ai convoqué des assemblées d’hirondelles

Elles ne sont pas venues

J’ai affiché un grand sourire

J’ai recompté toutes mes cellules

Il en manquait il en manquait

J’ai milité pour des coquillettes

J’ai hurlé ni pieu ni fenêtre

J’ai semé des bouquets de manifestes

J’ai moissonné la fin des haricots

J’ai fomenté des attentats à la douleur

J’ai élevé des embrassades

J’ai créé des associations perpétuelles

J’ai fait scission

Je me suis repliée dans la peinture

J’ai fait campagne

Je me suis présentée aux électrons

Ils m’ont dégagée par la force

J’ai cultivé mon popotin

J’ai célébré le vent la mer la forêt les montagnes

J’ai inventé la journée du silence mondial

J’ai brandi des banderoles en alphabet braille

J’ai affiché un large sourire

J’ai eu des idées au beurre

J’ai lancé des appels par-dessus bord

J’ai arraché leurs dents aux poules

J’ai imposé les rouleaux de Zan

 Et les mots à douze syllabes

Rien n’a changé

Je n’avais plus le cœur de sourire

J’ai déposé une amande de tâtonnement

J’ai voté pour

J’ai voté contre

J’ai voté nul

J’ai voté noir

J’ai voté jaune

J’ai voté bleu

Enfin j’ai voté

J’ai affiché trop de sourires

Je me suis échauffée tant et plus

J’ai résisté jusqu’à plus soif

Et ça n’a servi de rien

De rien

Catherine Plée​​

préfère les levers du jour aux couchers, l’été à l’hiver, le printemps à l’automne, la joie au bonheur, c’est pourquoi elle a écrit un récit intitulé Être l’été, a écrit aussi des nouvelles, a de nombreux chantiers en cours, coud, brode, bidouille des tas de trucs pour que les heures content…

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Texte et photographie

Juliette Derimay

"Arbre"

Tout tourne autour de lui et il reste immobile. Il est l’œil du cyclone qui se lève le matin et se calme la nuit. Autour de lui le soleil, de l’est jusqu’à l’ouest, les promeneurs, ceux qui courent, les enfants en vélo, autour le bruit des chaises que l’on traine pour être loin ou être juste à côté pour se parler plus bas, tout au creux de l’oreille, chants des oiseaux parfois, les cris et les appels, mots plus sereins aussi, ou bien remplis de fiel et de ressentiment, des phrases prises au hasard dans une conversation, ou la pluie sur les feuilles, ou le calme de la nuit.
C’est la nuit qu’il respire, cajolé par le sombre, bercé par le silence d’une solitude sereine, la nuit qu’il se rend compte qu’ils sont toute une rangée, tous des yeux du cyclone, tous avec le même âge, avec la même coiffure, avec les mêmes chaussures trop petites et trop serrées. Il est l’œil du cyclone comme tous les autres arbres, là, à côté de lui. Tout tourne autour de lui comme tout tourne autour d’eux sans vraiment se rendre compte que c’est lui le pilier qui soutient tout ce qui tourne, qu’il est l’œil du cyclone.

 

J​uliette Derimay vit actuellement dans les montagnes de Savoie et travaille dans un labo photo de tirages d’art, activité qui assure le quotidien ainsi qu'une bonne partie de son inspiration pour l'écriture. Ses textes laissent toujours une grande place au dehors, vous pouvez les retrouver sur son site https://www.les-enlivreurs.fr/ . Publications : « Voyage en Irréel » avec le photographe Nicolas Orillard-Demaire (https://nod-photography.com/) et nombreuses participations à des ouvrages collectifs​.

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Photographie d'Anne Sterenn.

Texte de Tristan Mat

Perle, toujours je te cherche, à la nuit, pointe de la nuit. Il faut des vagues pour te trouver, aimer les vagues, savoir se perdre en vagues loin de tout rivage, instaurer un secret, oublier la pyramide. Il n'y a pas une chambre, il y a cette chambre. Je me dédie aux plis sombres. L'ombre et l'autel du cri, unique, hors des mots, aspirant l'air, tournant. Je récuse le nom de désert, de ciel.

Anne Sterenn, artiste-rêveuse
http://www.facebook.com/sterennanne
https://www.instagram.com/sterennanne/
Tristan Mat https://www.tristanmat.net/
https://www.facebook.com/tristan.mat.735
https://www.instagram.com/mat.tristan/

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Statuette en terre cuite du Louvre, tant aimée de Patrice Chéreau

Textes de Danièle Godard et Gaëlle Lavisse

Et toi qui es-tu pour mettre en doute ce qu’ils disent ?

Quand ma belle-fille m’a demandé ce que je pensais de Candace Owens et si je croyais que Madame Macron était un homme, je n’ai pas su que répondre.
Quand mon gendre s’est étonné que je ne connaisse pas Jessie Inchauspé et ses analyses sur le danger des pics de glucose et comment s’en protéger, je suis allée voir de quoi il s’agissait.
Ma belle-fille et mon gendre ne sont pas des gamins intoxiqués par Tik-Tok, ils ont fait des études supérieures, sont trilingues tous les deux (français, anglais, arabe et français, anglais, hindi), s’interrogent bien sûr sur la validité des sources, mais le doute s’est insinué en eux. N’y aurait-il pas quelque chose de vrai dans les ires de Candace Owens et de Jessie Inschauspé ? D’ailleurs, comment expliquer leur succès, le nombre de gens qui les suivent, le nombre de médias qui les reprennent ? Impossible de vérifier toutes leurs sources ni de vérifier leurs qualifications… Comment faire ?
Et toi qui es-tu pour mettre en doute ce qu’ils disent ? Je suis dans l’œil du cyclone et je ne sais pas que faire.
 

Danièle Godard

retraitée cultivant désormais son jardin
conservant quelques engagements associatifs et bénévoles
espérant sans trop y croire des lendemains qui chantent.

 

A toute époque, sur la terre et dans l’univers. "N’est-ce pas hier, aujourd’hui ou demain ?" L’œil du cyclone au cœur du labyrinthe émotionnel, secoue fort pour nous aider à retrouver notre essence originelle.

Comment ? Pourquoi ? A nous et de tout temps. Lorsque ces tempêtes nous traversent, nous bousculent, nous essorent et nous rincent. Rester là sagement, écouter, prendre le temps, patient, s’asseoir en silence, respirer profondément. Telle est notre mission divine incarnée. Faire comme l’oiseau, regarder de plus haut.

Ce qui nous avait été enseigné il y a des lunes, comment avons-nous pu l’oublier ? Les catastrophes naturelles, les tempêtes, les errances, les pollutions, les migrations, les dépressions, les révolutions, les guerres, les mots en isme, qui ceinturent un mur où le choc des vents contraires atteint un niveau élevé. Un seul faux pas peut être fatal. Alors, moi petite plume utopique et rêveuse, j’invite à plonger dans l’antre de l’œil du cyclone, et d’en remonter une étoile, pour ne pas se laisser envahir par les peurs. Souverain, souveraine en notre royaume. La promesse d’un bonheur et d’une paix retrouvés. Ecouter la douce mélodie de son château intérieur, le silence de son âme.

Gaëlle Lavisse

parcourt toutes les régions et les écoles avec son bel atelier d'écriture "Dis Petite".

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Composition picturale Erika 

Texte de Heptanes Fraxion

"le centre"

 

un hall

un cimetière

un sauna cul

une cour intérieure

un bar miteux aux vitres poussiéreuses

 

quatre heures de l'après-midi

les schmits dégagent d'un banc un sdf endormi sur son barda

 

non loin de la gare

une femme légèrement ivre reprend un rosé en terrasse

 

parle-t-elle toute seule

parle-t-elle au téléphone

me parle-t-elle à moi

 

larguée par un homme beaucoup plus jeune qu'elle

elle n'arrive pas à se décider à quitter cette ville

 

c'est le vieux passe-temps du sexe et des sentiments

c'est la vieille histoire de la bonne personne amoureuse de la mauvaise

sur le trottoir d'en face

entre les chaises

les moineaux gueulent comme des putois

 

beau vert des arbres au bord de l'eau

sur la rive du canal les feuilles brillent comme des cristaux

jolies sensations qui viennent du ventre

 

avant de remettre mes lunettes

de soleil correctrices

je profite encore un peu de cette force

 

l'important n'est jamais au centre

l'important n'est jamais au centre

 

Heptanes Fraxion

Poète obscur, rasta chauve, liseur de chansons ratées, Heptanes Fraxion, fils d’une prostituée et d’un ecclésiastique, vit à Toulouse où il ne s’occupe ni de ses enfants ni de ses deux chats. Il ne se passe rien mais je ne m'ennuie pas, Éd. Cormor en Nuptial, Et les gens continuent de tomber avec la nuit, aérolithe éd., 2019, C'est la viande qui fait ça, Éd. Cormor en Nuptial, 2019, Errer me muscle, Éd. Gros Textes, 2020, Toujours pas de nouvelles de mon frère, Éd. Ni fait ni à faire, 2020, Je vais encore oublier de rentrer chez moi, Éd. Gros Textes, 2021, Paraît que, Éd. Délit buissonnier, 2021, Ni chagrin d'amour ni combat de reptiles, Éd. Aux cailloux des chemins, 2022, Journée type d’un mec moyen,  Éd.  Gros Textes, 2024. Voici mon linktree :  https://linktr.ee/hfraxion

Erika Bournet Boldesc : Je dis vouloir tendre un fil, le bras, une image, pour me relier à ce que je vois. Dans le sens où je lie, je monte, j'agence, où je ne tiens qu’à un fil, au point où s’entrecroisent ma fiction et vos réalités. Le temps de repriser l’inimaginable. De s’impressionner. L’art de se terre, de faire illusion ou d’apprendre de ce qui apparaît. Mes collages sont des exuvies. Des révolutions sourdes.

Un lien qui mène à mon site : http://erikabournet.fr

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Melvyn et Noémie, jeunes de vingt ans, parcourent le Cambodge, l'Indonésie, le Vietnam, le Laos, la Thaïlande, bientôt le Japon, un voyage un peu fou avec quasiment rien en poche... travaillant et errant (en mobylette, trains, bus...) au jour le jour, ils nous envoient photos et vidéos pour témoigner de leurs merveilleuses découvertes.

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