"Ceci n'est pas une trêve,
tsy vato misakana, tsy rivo-manosika."
Toile du peintre et poète Jean-Luc Raharimanana
que nous venons tout juste de recevoir depuis Madagascar... émotion.
Texte de Louise Holt Bouillon
"Dans mon rêve de soleil qui devient un enfer"
Dans mon rêve de soleil qui devient un enfer
On étouffe et on plonge
Ô nuits si longues et fractionnelles qui se comptent par milliers
J’en deviens presque floue à force d’effacer les marques de la veille
Farouchement critiquée par des êtres inventés qui me piquent et me broient
Grande certitude qu’ils remporteront encore le trophée quotidien
Equipée jusqu’au cou de mes larmes / amies
Elles dépérissent et ne coulent même plus
Elles me donnent la force de 1000 armes
Comme 1000 hommes en colères
Parsemée d’or, j’aimerais devenir bleue
Camouflage certain pour rejoindre et me fondre
Dans cette masse flottante, grande mousse de forêt du ciel
J’ai rencontré des ombres marchandes de sommeil
Qui ont tenté en vain de me tendre la main
Dans mon rêve de soleil qui devient un enfer
On étouffe et on plonge
Louise est musicienne. Elle voyage avec son groupe CEYLON depuis plusieurs années. Elle chante et danse au rythme des mots.
La scène est l’endroit qu’elle préfère car seul le présent compte.
https://open.spotify.com/intl-fr/artist/0gPoXgmh4QCj4i1gzWwdUm?si=RRqr0SToT0a4Ns9HwCizsA
Texte de Perrine Le Querrec
"Trois bouquets"
un enjambement en arrière en avant
d’irrégularité
une cadence en avant en arrière
je m’habille vite
je sors la nuit
de la nuit je sors
aussitôt dehors je me réveille
avec méthode et le corps méthodique
me tiens pour ainsi dire sur deux jambes
fumée enroulée aux chevilles
chevreuils dociles ivres de rosée
je suçote des dragées d’obscurité
la rétine décollée le respir incarné
me recouche allongée flanc gauche
sur l’ancien lit de fleurs blanches
Perrine Le Querrec
A publié de nombreux recueil "Ruines", "Les Tondues", "Rouge Pute", "Le Prénom a été modifié"...
et le très remarqué "Warglyphes" (comment écrire la guerre ?) aux éditions Bruno Doucey.
Son prochain recueil rendra hommage au danseur Vaslav Nijinsky...
Texte de Gracia Bejjani
"comme lucioles au corps lumineux"
on dit le Liban dans le noir — ils font comment
demandent les Français
je m’en inquiète comme étrangère au pays
sans électricité, l’anodin de toujours
m’inquiète aujourd’hui sans m’en étonner
tu le sais, répond simplement mon frère
on s’éclaire autrement
moteurs, panneaux solaires…
pays de noir hanté, mais leurs nuits sont blanches
blanches comme l’attente, ses instants précipités
le mur du son, franchi
le bruit est sec, l’explosion comme suspendue
assourdissante après l’étrange silence tombé de nulle part
nous connaissons l’explosion des armes
l’explosion des bombes
nous avons été pulvérisés par l’explosion du port
aujourd’hui, d’autres fracas, le coup de poing sidéral
les vols militaires franchissent airs et limites
aurons-nous un jour des contours, un pays-peau ?
jusqu’aux lois naturelles, transgressées
— le mur du son est rompu
pays de blanc brisé
aux nouvelles, ton pays… me souffle l’amie
comme demande de pardon
on élève d’autres flammes, soleil lune nuages
et nos blancs souvenirs, danses fantômes :
les guerres ne sont-elles pas passées ?
mer, ciel et terre enclos de noir
et les nuits, bavardes de bruits entêtés
on écoute, discours officiel des uns
menaces articulées des autres
nous, respiration de pierre sous le marteau
larmes blanches et nos faims nébuleuses
on écoute, ça ne se cache pas, ça brave
ça revendique, ça riposte
et nos yeux inquiets, pendus entre deux
on attend, on ne sait pas ce qui nous attend
longues haines — tristes mythes
on attend
on adapte nos blagues, parole leste
on rit d’angoisse — nos rires de ciment
taquins, pour ne pas capituler
sur terre instable, notre vitalité sans maître
on exhibe nos voix, lourdes d’oubli, de joie voulue
on vit sans électricité, comme lucioles au corps lumineux
l’instinct à cran, on se débrouille
je sais la résistance sauvage
le pays n’est pas dans le noir
siphonné de trop de blanc
le blanc de ne pas savoir
blanc écume et déni
le blanc de nos yeux épais d’avoir trop vu
fenêtres éteintes entre deux nuits
blanc des bulles, elles attendent d’éclater
et nos mains comme transparentes
sait-on ce qui nous attend.
Gracia Bejjani a créé une superbe vidéo à partir de ce texte :
Site : graciabejjani.fr
Chaîne : youtube.com/c/graciabejjani
Dessins de la poétesse Aline Recoura
Texte de la poétesse et performeuse Virginie Seba
"Des jours et des blancs"
Fils blanc
blanc comme neige
garçon grand 26 ans
mes cheveux déjà
blancs comme neige
grand garçon étrange
duplication chromosome 16
ça vous dit quelque chose
mystère mystérieux
des trucs en plus
des trucs en moins
vous ne voyez pas
moi non plus
même en portant des lunettes
beau gosse bien bâti
sourire aux lèvres
un homme un enfant
mon garçon mon fils
26 ans il aura fallu
pour se dire peut-être
que même en ESAT
il ne pourra pas
non y a pas de lézard
cherchez pas
ESAT
lieu de travail adapté
pour personnes
qu'on des trucs en plus
des trucs en moins
alors oui mon fils
un chromosome en double
double dose d'émotions
double dose de cheveux blancs
double dose d'angoisses
double dose de colères
la mère qui boit jusqu'à la lie
le fils qui ne contrôle pas
ce qu'elle ne voit pas
la lave qui s'accumule
double dose de blancs
peut-être alors maintenant
se dire que ce grand garçon
est vraiment à côté de
à côté de se faire à manger
à côté de communiquer
à côté de planifier prévoir
d'envoyer des mails
de faire des dossiers
à côté du budget
à côté de vivre dans un chez lui
prendre soin d'un logement
à côté de lancer une machine
mais pas sa console
à côté de la plaque
en quelque sorte
à côté de...
le grand blanc
ne sait pas
blanc de chez blanc
mais connaît Disney
ses moindres attractions
peut vous guider les yeux fermés
mais connaît le parc Astérix
peut y aller seul
un week-end
dans une chambre d'hôtel
réservée par sa mère
sait se rendre à l'hôtel
sait se présenter à la réception
aucun blanc
mon fils grand voyageur
bon compagnon de voyage
ensemble nous avons été si loin
sa mère à qui il donne
des petits coups de langue sur la joue
comme un chien
jappe comme un chien
grand blanc
alors je dis
non non et non ça suffit
alors il arrête progressivement
et puis un jour
il lèche de nouveau
cette fois-ci sur
mes cheveux courts
alors je dis non non et non
une fois de plus
grand blanc
il sourit
ruse de grand enfant
maman quand je pourrai
de nouveau aller
à Disney
à Astérix
ma punition est levée
donne-moi
ma carte Disney
mon week-end à Astérix
donne-moi mon argent de poche
mes 30 euros du week-end
dis ça ira 30
ça ne fait pas beaucoup
je pourrai avoir plus
oui mon fils
sa carte bancaire
compte porte-monnaie
c'est comme ça qu'on dit
fils sous curatelle renforcée
ce fils grand naïf
harcelé et qui peut aussi
harceler
renvoyé d'ESAT
presque trois mois après son embauche
sans préavis
un peu trop collant avec une collègue
pas de préavis
direct
Ah oui quand même un peu raide
le temps passe
le fils à la maison
qui traîne dans le quartier
pour l'instant ne se fait plus dépouiller
ne se fait plus harceler
depuis que la police
s'est saisie de notre plainte
6 ans qu’on portait plainte sans succès
vol de portable à répétition
argent gentiment spolié
des amis de quartier
le dernier, un jeune en première
arrêté en plein cours
interdiction de 6 mois d'approcher mon fils
et puis d'autres choses encore
ça fait mal pour lui
mais qui a plus mal que...
la police a rendu le portable
la police m'a dit
faut voir le jeune pour qu'il enlève ses données
alors le jeune il est venu
en bas de mon immeuble
et pendant 1 heure
le temps de nettoyer le portable
le jeune il m'a bla bla bla
saignée à blanc
fils a récupéré son portable
alors nous allons intégrer
un nouveau programme Pop and psy
centré sur les habilités sociales
- Alors madame
parlez-nous de votre fils
Le fils à côté de la mère
- Et bien que dire
Et la voix monte … monte
J'ai 26 années de choses à vous raconter
- Oui alors concentrons-nous sur le début
A quel moment le diagnostic a-t-il été posé
- Eh bien...
Replonger sur 26 années écoulées
Grand blanc
Par où commencer
- Je crois que nous pourrions écrire un livre mon fils et moi
- Allons madame poursuivez
- Bla bla bla
Pop up souvenirs
vivaces loquaces
A rallonge comme des jours blancs sans pain
C’est vraiment long à raconter
- Mais enfin vous n'avez pas son dossier !
- Bah non ce n'est pas le même service
Combien de fois recommencer
l'histoire de la vie de mon fils
L'histoire de notre vie à tous les 2
L'histoire à celle aussi de ses sœurs
Et du père - grand blanc
Les souvenirs cognent
s'entrechoquent
Ça fait du bruit
- S'il vous plaît madame pas si fort
Il y a des consultations à côté
Allons madame recentrons-nous
s'il vous plaît
Mon fil à mes côtés
Grand blanc
- T'en penses quoi
- ...
- Ah oui tu ne sais pas finalement
si tu vas intégrer ce programme d'habilités sociales
- ...
- Mais si..., que je dis
tu vas rencontrer d'autres jeunes
Il fait la moue n'aime pas qu'on le presse
N'aime pas que...
Bah oui qu'on le ballotte
A blanc
Qu'on décide pour lui
Grand blanc
- Bon et bien, conclut la psy, j'espère que tu vas dire oui pour ce groupe,
avec tout ce temps qu’on vient de passer
ensemble
mais comment on fait
pour vivre en société
P't-être bien qu'faudrait
des tests d'habilités sociales
pour chacun.e d'entre nous
Et s'exercer inlassablement
Y a tant de grands blancs
ici et là...
Virginie SEBA
Dessin, Aline RECOURA
Virginie SEBA, poétesse performeuse engagée, dit, déclame, publie et co-anime, avec Aline Recoura, la scène Les Daronnes au Tiers Lieu FAIRE LIENS, Paris 15ème, un dimanche par mois (à partir du 15 septembre à 15h). A son actif, un clip Dame Chique Tache et plusieurs créations de spectacle dont l’incroyable Sister Rosetta Tharpe, pionnière du rock’n roll, qui s'est joué au festival d’Avignon du 2 au 21 juillet 2024. En duo avec Aline Recoura, poétesse plasticienne, lecture théâtralisée Familles sur table d’après leur ensemble poétique éponyme, édité par L’Ire de l’Ours, avril 2023. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.slamchante.fr
Son dernier recueil aux éditions Lunatiques : "Marche nage Vole".
Dessin d'Aline Recoura
Texte de Domi Bergougnoux
Nuit blanche
entre les branches qui se brisent
Nuit chavirée
de rafales en trombes
sur les grandes barres
Nuit déchainée aux fenêtres du monde
où ça cogne
et ça tangue
Nuit sans trêve et sans rêve
sans phare
et sans balise
Nuit noyée dans un verre d’eau
nuit tirée par les cheveux
emmêlée aux bruits de mort
Nuit sonore qui s’enfle
et mêle sa matière d’ombre
à des souffles furieux
Nuit infiniment liquide
goutte à goutte du ciel à la terre
la lune nous perfuse
L’espoir d’un rayon pâle
Dominique Bergougnoux
Actuellement orthophoniste en Ile-de-France, elle s’occupe d’enfants « empêchés » dans leur expression orale ou écrite. Chanteuse de jazz, pop-rock, lyrique, elle a « hiberné » quelques années en musique avant de revenir à la poésie. Elle écrit sur la solitude, la souffrance, elle développe un rapport sensible et métaphysique à l’univers et à la nature. Elle poste régulièrement des poèmes sur sa page Facebook, elle est accueillie dans des revues et blogs. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs et à des anthologies. Recueils publiés : Dans la tempe du jour, Editions Alcyone, 2020. Il faut apprendre à voler, livre d’artiste, peintures découpées de Jean-Denis Bonan, Editions Al Manar, 2020. La craquelure, Editions Al Manar, 2021. Au berceau de nos bras, (co-écrit avec Pat Ryckewaert) Editions Bleu d’Encre, 2022. A tout ce qui lacère, Editions Le Coudrier, 2022.
Photographie et texte
Piero Cohen-Hadria
Parce qu’à la nuit appartiennent les amants
ça commence par un rendez-vous (ça commence toujours par un rendez-vous), ça se passe au Rêve, elle arrive et il est là, ou l’inverse, ils boivent rient parlent, puis s’en vont – passent devant l’hôtel qui fait le coin du 39 de l’avenue et de la rue en escalier Juste Metivier (ce n’est plus un hôtel, comme au temps où Piaf y vivait avec son Montand), ils remontent, ils rient, il fait nuit – qu’est-ce que c’est, l’amour ? la liberté ? Il y a en haut un point de vue, les toits de la ville, la nuit, les lumières, ils descendent, empruntent la rue des Martyrs, à ce coin-là il y avait le cirque Medrano, tu te rappelles que là, à ce coin-là en face, une boulangerie était ouverte toute la nuit – puis il y a l’église, il y a les boulevards – ils marchent, rient encore, où vont-ils ? Elle joyeuse, lui heureux, s’ils allaient danser ? Quelque part, rive gauche ? Ils marchent encore, et noire est la nuit – mais les lumières… et bientôt l’aube
parce qu’à la nuit l’amour appartient
Because the night une chanson de Patti Smith & Bruce Springsteen
Piero Cohen-Hadria
Blogueur impénitent (http://www.pendantleweekend.net/ collectif au départ), je soutiens des aventures participatives : je travaille avec des artistes écrivains : au sein du collectif L’Air Nu - https://www.lairnu.net/) (avec Anne Savelli Joachim Séné Mathilde Roux Christine Jeanney) où je défends, entre autres, un certain cinéma; au sein du collectif maison[s}témoin (http://www.maisonstemoin.fr/, (avec Christine Jeanney).
Photographie de Valérie Cassisa, enseignante d'anglais au lycée Voillaume d'Aulnay-sous-bois, et parce qu'il faut voir l'été toujours en soi, même dans la nuit blanche, elle propose ici une composition photographique de son balcon à Drancy, avec un filtre cyberpunk.
Les chansons de la poétesse, dramaturge et metteuse en scène
Véronique Dimicoli
(interprétées par Françoise Breton au chant et Yvan Breton à la guitare...)
Titres à écouter sur Soundcloud, le groupe Petites notes d'exil...
et une autre version avec François et Louis MOUTIN (thème de Thelonious Monk) et une photographie de Nathalie HOLT...
https://soundcloud.com/yvan-breton/nuits-blanches
Ci-dessous : une toile extatique de l'artiste MAÏPO !
Toile de l'artiste Maïpo
Texte de la romancière et poète Astrid Waliszek
Je n'aime rien tant que les insomnies du tout petit matin, dans le silence parfait de l'extérieur endormi encore, un monde sans hommes où même les bêtes dorment, un monde où n'existent que les mots à poser sur les choses vues la veille, dans le savoir secret où elles prennent vie par la grâce du souvenir qui les restitue — là un fossé où l'eau roule entre des arbres dont on n'aperçoit que la ramure, là d'une ombre passant naît la couleur et là encore le carrelage cru, bosselé et grenu d'un sol foulé trop tôt pour en admirer la texture — quand enfin par la fenêtre arrive le chuintement du jardinier ramassant l'herbe coupée hier et les effluves mêlés des arbres, des fleurs et du foin. La nuit respire, c'est l'heure du premier oiseau ouvrant son bec sur un piaillement qui marque le passage de l'aube à l'aurore, fugitive irradiation de la gamme des bleus dans le dévoilement des chimères redevenues tronc, buisson, auge ou jardinière.
Astrid Waliszek
auteure du roman "Topolina" chez Grasset.
Recueil de nouvelles et poèmes aux éditions Jacques Flament :
"A peine assez de mes bras", "Ombres nomades", "Les lucarnes de désir" ...
L'artiste Maïpo (au fin Nord de la France) est présentée dans l'A propos du site...
Photographie de l'écrivaine et scénographe
Nathalie Holt
Compositions piano et orchestre
de Marion Bourdier
La chanson "Beyrouth" du groupe Petites notes d'exil (plateforme Soundcloud)
interprétée au chant par Françoise Breton, composition de Marion Bourdier
illustration de la poétesse, performeuse et vidéaste Gracia Bejjani
La composition "Méditation" sur le site de Marion Bourdier (Soundcloud) chant de Françoise
Illustration : Nathalie Holt est scénographe de théâtre et d'opéra. Son dernier recueil de nouvelles "Averses" nous a tous énormément séduits (article dans la chronique Buvette au coin d'la rue).
Suivent ici des instantanés des vidéos de la poétesse et dramaturge
Milène Tournier
fragments photographiques
issus de ses vidéos-poèmes
"Nuit le parieur reprend la moitié de sa mise" https://youtu.be/1jsZF9tqn88
"J'ai rêvé cette nuit j'étais la nuit" https://youtu.be/jjjUHv_u8bA
Sa chaîne youtube : https://www.youtube.com/@MileneTournier
Milène Tournier écrit des livres de théâtre, poésie, et des poèmes vidéos. Son recueil (février 2023, Castor Astral) « Ce que m’a soufflé la ville », esquisse une écriture de la déambulation. Son dernier recueil "Cent Portraits vagues" aux Editions Lurlure.
Poème de Lola
Les nuits blanches, pas toujours de cette couleur innocente, souvent se transforment en nuits noires, nuits où nos pensées moroses prennent le dessus et où rester enfermé chez soi à méditer ne fait qu’augmenter cette anxiété.
C’est ce bourreau des dormeurs éveillés qui nous aspire dans de longues nuits de tourment.
Ces nuits où l’on sort, contemplant le doux coucher de soleil qui s’efface derrière cette mer agitée, où les vagues frappent les rochers. On ferme les yeux et on se concentre sur le violent son de la mer dont le silence s’est imprégné. Puis on réouvre les yeux pour les poser sur ce ciel débordant d’étoiles, hurlant « Contemplez-moi ! ».
Ces nuits passées à errer sans but, avec grande tristesse. On ne sait où aller mais on arpente ces rues sombres à la recherche d’un bonheur douteux, là où il n’y aurait ni crainte ni mélancolie.
Lola Toune, jeune poétesse.
Dessin d'Alexandre Piquion
Texte d'Emmanuelle Cordoliani
"Au bout du tunnel"
C’est la voix de sa femme qui le réveille. Le bruit dans sa voix en disant son prénom… Une sorte de grelot, non, un tremblement sourd comme celui d’une feuille de papier en équilibre… Il voudrait rester au chaud sous ses paupières, même si l’aube a déjà réduit leur couverture à l’épaisseur d’un drap de lin rêche. Il s’est endormi brutalement en rentrant de l’hôpital. Sa grand-mère avait une expression pour désigner cette chute des bêtes dans le sommeil. Il n’est pas passé voir la petite. Il n’est pas certain d’avoir eu le temps de se déshabiller avant de tomber. Il voudrait bouger un peu pour sentir ce qu’il porte sur lui, mais ses jambes ne semblent pas pressées de répondre à son souhait. Un instant, il les croit mortes. Un sang de fiel afflue à son cœur. Elles sont empêtrées dans les draps. Il doit dormir encore. Il n’a pas entendu la petite de la nuit. Elle a crié pourtant, elle se réveille encore trois fois, quelle que soit l’heure où ils la couchent. Sa femme se sera levée avec sa discrétion de chatte pour aller la nourrir. Ils ont décidé que sa femme allaiterait, alors c’est elle qui se lève, mais d’ordinaire, il entend les pleurs. Sa femme… il ne dit jamais son prénom aux autres. Hier soir, il a dit : « très bien, puisque c’est ce que tu veux, je vais rejoindre ma femme », avant de les laisser à l’hôpital. Il les aura bien surpris avec ce mariage. Ils avaient vu passer une ribambelle de filles tape-à-l’œil, toujours très à l’aise avec la grande famille du Sud. Elles faisaient saliver les mâles tout en embobinant les grands-mères avec des manucures. Personne ne les aimait, mais ce n’était pas étonnant qu’il ramène ce genre de fille. Des commerciales, comme lui, comme on dit des voitures… Parfois blondes, mais le plus souvent brunes, comme lui, avec une peau facile au soleil. Jusqu’à ce qu’il rencontre sa femme. Les cheveux de sa femme, il est impossible d’en décrire la couleur avec un seul mot. Il n’y a rien qui convienne vraiment. Ils ne sont pas spectaculaires. Elle les attache pour ne pas faire éternuer les petits élèves, quand elle donne cours de piano. Une natte sur le côté droit… Elle a posé sa main sur son torse, à son contact, il comprend qu’il s’est déshabillé. La main de sa femme tremble aussi. Il entend la petite qu’elle porte au bras, à cheval sur son biceps, l’arrière de la tête bien tenue dans la paume. Ce n’est pas un gros bébé. Ça aussi, ce n’était pas prévu. Une fille et pas un fils. Il aurait pensé que ça flanquerait sa virilité par terre, mais c’est autre chose qui s’est produit. La dernière main à cette rébellion dont personne ne se soucie vraiment, mais qui ne laisse pas d’étonner. Elle dit son prénom à nouveau. La mauvaise nouvelle ne les surprendra pas. Le père est aux soins intensifs depuis une semaine. Il a trop de dignité pour mourir devant ses fils. Il a attendu d’être seul avec la mère et l’aîné… Sa femme calme la petite qui a commencé à pleurer. Ce n’est rien, ce n’est rien, c’est papa, c’est papa, n’aie pas peur, c’est papa. La journée va être longue et les suivantes… Il ouvre les yeux. Sa femme ne pleure pas. Sa bouche mince est ouverte, elle ne le quitte pas des yeux. La petite ne fait pas le sourire du matin quand il bâille exprès. Il essaie de s’asseoir dans le lit pour lui ouvrir les bras. C’est à ce moment-là, dans la glace, qu’il voit enfin la même chose qu’elles : ses cheveux qui ont blanchi dans la nuit.
Emmanuelle Cordoliani joue, écrit, enseigne, met en scène et raconte des histoires.
Son blog https://www.lecafeeuropa.com/blog
Alexandre Piquion | Illustration
Son site : lesubtildelepee.com
Sa chaîne : Le subtil de l'épée - YouTube
Photographie et texte
Juliette Derimay
"Sur ton banc"
Deux seaux, une planche, un banc. De quoi s’asseoir, le dos contre le mur, tu aimes t’installer là quand la chaleur du jour s’attarde dans les pierres. Ce banc est juste parfait pour regarder en face, l’autre côté de la vallée, l’autre moitié de ton monde. En bas, les chalets dispersés, les champs d’herbe pour les vaches ou parfois les brebis, plus haut des arbres serrés, la forêt des feuillus, puis feuillus et sapins puis à peine quelques troncs au milieu des buissons, puis le ras, le râpé, le pelé par le vent, le sommet presque nu, à peine recouvert de mousses et d’herbes basses quand elles peuvent s’agripper. Le jour finit doucement comme on finit un livre, quand l’histoire se prolonge bien après le dernier mot. Les détails disparaissent, les combes et les replats, puis la forme des arbres, les contours des maisons, ne restent que les crêtes pour découper le ciel. Tes yeux s’adaptent aussi, tu vois en noir et blanc. Le noir du grand lointain et le blanc des petits points qui s’obstinent à briller même quand tu n’arrives pas à retenir leurs noms. Certains quand même tu sais, la grande et la Petite Ourse, Cassiopée, Orion et l’étoile du berger. Tu les regardes, tu les fixes, tu ne les vois pas bouger, pourtant, tu sais qu’elles se déplacent, leur temps n’est pas le tien, mais juste à ce moment, ton regard vous relie, elles t’emmènent en voyage et tu ne reviendras, t’asseoir là sur ton banc que quand le soleil sera là.
Juliette Derimay
Ses ouvrages et son site : https://www.les-enlivreurs.fr/
Publications : « Voyage en Irréel », avec le photographe Nicolas Orillard-Demaire (nod-photography.com), paru en septembre 2021 chez Spot Éditions et nombreuses participations à des ouvrages collectifs.
Chez Jean-Claude, ©Françoise Renaud, 2015
Photographie et texte
Françoise Renaud
"deux mots"
avec tout ce qu’ils ont de doux, à être là, posés ensemble
deux mots — nuit et blanche —, un nom commun et une couleur, pas n’importe laquelle, le blanc opposé au grand noir, le blanc de la naissance et du deuil, le blanc fou du printemps, le blanc crémeux ou phosphorescent, tout ce qui s’annonce dans ces heures où la planète est à l’envers une fois la lumière retirée du fond des bois et des ruelles, rien qu’ombres fugitives qui donnent toute son importance au blanc, c’est le corps qui est blanc et la nuit qui est noire, c’est le corps qui s’agite et furète sans trouver le repos, les articulations grincent, les idées pèsent en tête, les regrets, les inquiétudes, les terreurs de l’eau qui emporte et celles du feu qui ramène à la cendre, tout ce qui rôde et blesse, graffiti dans la zone des tempêtes
et ce temps soudain libéré comme volé au sommeil qui se propose à la joie de la chair, à la danse, à l’observation des étoiles, à l’indicible du paysage saisi dans la pâleur lunaire, dévoilés alors les sentiments comme si on n’était vivants que pour des moments pareils, que pour ces parfums, ces ténèbres, ces visages qu’on a vraiment aimés et qu’on réinvente et caresse en murmurant des noms, les corps et les visages sont blancs contre la nuit noire, les photographies sont noir et blanc, dans la fenêtre il y a la nuit et par le dessous, sans doute issu des abysses, ce grondement qui nous atteint et nous possède
Françoise Renaud
De nombreux ouvrages publiés depuis 1997 (roman, poésie, jeunesse, beau livre) et publications en revue. Biblio ici:
https://www.francoiserenaud.com/bibliographie/bibliographie-complete/
Photographie et texte
Catherine Serre
elle a trente ans et danse
comme une belle femme qu’elle est
c’est-à-dire une femme
libre
libre de danser dans la nuit d’août
au son du reggae malgache et de la voix mêlée
qui y brode les psaumes
entourée des rires de champs Élysées
et des plaisanteries de porte noire
qui ne s’ouvre pas — papa y veille
la femme de trente ans danse les nuits de lune
et ses sœurs de forêt
les arbres qui se récoltent
se plantent et se sèment
aux heures de lune alliée
protectrice sœur du ciel
nos regards vers elle
rubans de vie par-delà des atlantiques
chemins maritimes de l’ouest lancés
jusqu’aux confins caribéens
telle un oiseau, elle a rejoint la nuit d’août
et elle danse le reggae, lien d’afrique et d’amérique
sur les mots inventés d’un dieu
qui protège comme il peut puisqu’il ne fait rien
que danser et rêver belle vie pour la femme de trente ans
ses sœurs de dix ans, ses sœurs de vingt ans
ses sœurs de quarante ans et de mille et mille ans
ses tantes, ses cousines, sa mère et les petites à venir
elle danse la transmission de la forêt
mais la peur n’est plus de mise
poussées jusqu’aux arbres le long de la rivière
par ceux qui plantaient des drapeaux
et parlaient de races à tous les octobres
ses grands-mères et grands-tantes savent la vie de forêts
qu’elles transmettent à leurs filles et à leurs nièces
les dits de la lune racontent que la nuit protège
les dits du cacao sont rouges de mystères
la femme de trente ans danse la nuit d’août
sous nos parallèles
quarante-cinquièmes et privilégiés
lune pleine autour du cou elle danse
personne ici ne connaît son nom de forêt
créatrice quand il s’agit d’oiseaux
la femme de trente ans met nos questions
à sécher
et à fermenter trois jours en plein soleil
nous les boirons demain
autour des flammes d’une coupe de feu
pour cette nuit
la femme de trente ans
belle, c’est-à-dire libre, danse
Catherine Serre
Nuit de lune rouge, lieu dit chez Rousseau Vars - août 2024.
Catherine Serre a publié "La maison de Mues" aux éditions L'Arbre à paroles,
Présentation sur le site de la Maison de la poésie :
https://www.maisondelapoesie.com/catalogue/la-maison-de-mues/
Toile d'Anne-Marie Pamelard
Texte de Fabienne Savarit
"L’aube blanche"
Etait-ce la fin d’une journée d’été ? Un soir de féroce nonchalance? Il avait plu. De cela je me souviens. Les tables avaient été rangées avec hâte et les gouttes de pluie pailletaient aux bouquets de fleurs. Deux papillons aux ailes dorées dansaient au-dessus des parterres colorés. Je les ai suivis au creux des clairières jusqu’à la stupeur froide de la nuit. Aucun bruit ni visage, aucun tambour de parade mais un paysage nu et des milliers d’étoiles. Peut-être est-ce une histoire rapportée, un souvenir ou un rêve. Je n’ai pas envie d’élucider ce mystère. Il y a eu soudain des lumières partout autour. Eblouissantes. Je suis devenue une foule, courant, frappant à toutes les portes, prise entre excitation et extrême fatigue, jusqu’au moment où nous avons sauté dans le dernier wagon d’un train en partance. Combien étions-nous ? Où étions-nous descendus ? Au hasard d’une aube blanche ? Au manège des nuages ? Je ne me souviens que de la chaleur des paroles partagées.
Fabienne Savarit
Je me nourris des couleurs du littoral et laisse les histoires m'emporter dans leur sillage poétique. J'aime la douceur des mots et cheminer à la lisière du rêve.
En ligne :
Instagram : @fabienne_savarit / Facebook : fabienne savarit
https://www.autourdesauteurs.fr/fabienne-savarit/
Anne-Marie Pamelard : Souvent je dévisage des inconnu-e-s
Avec ma gouache et mes crayons de couleur je voyage sur leurs visages.
J'aime faire cohabiter les inattendus et composer des chimères.
En ligne : Instagram : @365zanne
Toile d'Isabelle Becker
Texte de Florence Becker
"Nuits blanches…"
les nuits sont blanches de neige
chaque saison dessine nos paysages intérieurs
comme le parfum de la mer dans le regard des enfants
croiser leur ombre sur un coquillage
devons-nous quitter la terre ?
le rire des arbres
la rosée du silence
nous sommes tous des touristes dans cette vie
tentative de se rapprocher du soleil
la lune guide nos pas
plume de joie bulle de soi
la neige colore la nuit de blanc
nuit blanche blanche neige
tant de pommes à croquer
le vent souffle notre courage
la poésie pour seul bateau
traverser les océans de haine
sans jamais se retourner
pas d’ancre mais de l’encre pour écrire
le monde nouveau, le monde rêvé
pouvons-nous rêver sans dormir ?
Florence Becker illustre la toile de sa soeur Isabelle Becker.
Isabelle Becker : "Le mouvement est depuis toujours au cœur même de ma pratique artistique et de ma démarche. J’aime dessiner l’humain en mouvement, qu’il parle, bouge, soit concentré sur un livre ou son portable ou joue ou danse. Carte "Michemin" : une carte routière de marque Michelin ou autre présentée à la verticale, couverte de taches d’encre, de teintures naturelles, de peinture acrylique et d’aquarelle. Deux mouvements : le premier réel, concret qui est celui du « dripping » effectué sur le support au préalable. Il ne répond à aucune loi, si ce n’est de commencer par les encres les plus claires avant d’arriver au noir. Il est « défoulatoire », incantatoire et libérateur, je l’effectue loin de tout regard, dans un état extatique."
Image de Milène Tournier
Texte de Juliette Keating
"De nos nuits blanches"
Une nuit blanche, j’allai reconquérir le terrain perdu des rêves. J’allai par le sentier de la falaise manger à même l’ortie, la fleur assassine. Tu me disais absence ; que croyais-tu m’apprendre sinon l’impossibilité de ta présence auprès. Ce rêve enfui parmi le roulement de l’eau. Partir, partir dans la nuit blanche mais les draps étaient une corde nouée à mes jambes. Nuit sans sommeil. Je savais la voie lactée traçant chemin de lumière dans le ciel marocain, plus tangible que tous tes mots ramassés. Dans le noir de la nuit m’enfuir, le début du chemin dessiné dans la tête.
À travers la nuit blanche mêlée au sang de nos soupirs, nous construisions ce mur entre nous lentement et sans étoiles, sans vie. Effritement de nous deux trop serrés abrasés. Partir dans la nuit blanchie du matin, il fait froid, des passants frissonnent sous les parapluies, les portes du métro claquent.
Juliette Keating, romancière aux éditions le Ver à Soie.
Elle écrit chaque jour une chronique dans la rubrique "Au quotidien" de son site juliettekeating.net.
En janvier 2025 paraîtra son roman La Levée du temps, aux Éditions L'Ire des Marges.
Texte et photographies
du poète tunisien
Mokhtar El Amraoui
"Aussi noire qu'une nuit blanche"
Nuit blanche
les murs s'ouvrent sur l'infini des étoiles qui reviennent picorer leurs miroirs en chantant les frissons des morts et leurs derniers sourires photographiés pour un linceul d'immortalité au creux d'un soupir complice tel un lumineux envol de duvets apprenant à déclamer en leurs borborygmes les appels en échos des visages scandant les feux voeux de retour
Nuit blanche
sculptée en branches d'aguets ululant de toutes leurs chouettes en procession porteuse de lune tuée dans les labyrinthes puants de la traîtrise perpétuant en toute hâte le passage grimaçant des masques retardant le chant du coq mais les stigmates malgré l'épaisse obscurité payée dessinent la croix ensanglantée des réverbères aux pas ailés ne s'arrêtant jamais même éreintés malgré les épines n'ayant nulle crainte à veiller l'oeil insomniaque de l'abysse où se déroulent les pellicules enfants de l'entêtée chambre noire long tapis d'interminables films en boucles emmitouflées dans les ombres des cris ressuscités sur les écrans des tumultueuses solitudes
Nuit blanche
attente funambule en dessins de fumées sur flottants rideaux inquiets réveillant sans fin les roues des ascensions rêvées suppliant les feux moqueurs des sabliers et les dards rieurs de Chronos pour un répit une trêve refermant les si lourdes paupières brûlées en complaintes de papillons aux ailes de cendre emportées dans l'impossible nuit noire sur laquelle se referme les murs blancs des interminables questions
© Mokhtar El Amraoui le 21 juin 2024
Le poète-artiste Mokhtar El Amraoui est né le 19 mai 1955 à Mateur, en Tunisie. Ses recueils :"Arpèges sur les ailes de mes ans", "Le souffle des ressacs" « Chante, aube, que dansent tes plumes ! » et « Dans le tumulte du labyrinthe ». Il s’inspire de la /sa vie, son imaginaire et la nature.
Photographie de Mokhtar El Amraoui
Texte de la poétesse Zohra Mrimi
Nuit blanche
Elle pourrait porter le nom des tourments, d'agitation
Ma nuit blanche porte ton nom, j'ai répété nos conversations
Mais le jour nous ignore, il ignore l'absence, il ignore l'amour heureux
Tout ce qui appartient à la nuit sont mes amis
Il y a des idées gentilles et cette petite araignée qui fuit,
un étranger qu'on dérange en pleine volonté, un fantôme qui hait la nuit
Puis la pluie, la nuit et
TOI qui y vis.
Lecture fabuleuse de Zohra Mrimi sur notre chaîne youtube Les Villes en Voix (à découvrir sans modération... n'hésitez pas à vous abonner, cela fait toujours plaisir !) :
Zohra Mrimi écrit des textes poétiques sur les réseaux,
publication de son recueil "Le jour fait l'adieu"" aux éditions Z4.
Ce recueil a fait l'objet d'un court-métrage musical
sur la chaîne YouTube des Villes en Voix.
Texte et composition picturale
Thérèse Cigna
Un homme seul dans la nuit qui n’arrive pas à dormir et traîne dans les rues avec une idée en tête :
Avant minuit
Un peu avant minuit
Habille-toi de gris,
Tu l’auras ta souris.
Te glisser dans la nuit,
Un peu avant minuit
Tu cherches les ennuis.
Ton arme scintille,
Et ton corps qui frétille,
Un peu avant minuit.
Entends son cœur qui tonne
Et tes pas qui résonnent,
Attention ! Tu déconnes.
Thérèse Cigna,
romancière et plasticienne,
son dernier recueil "L'académie de l'être".
Association artbrupt 26/38
Photographie de Milouda H.
Texte de Gaëlle Lavisse
"Nuit blanche"
Assise sur mon lit dans l’obscurité. Les lumières des éoliennes au loin rouge clignotent, lumières à distance et pourtant, rouge sang.
Fermer les yeux, et penser au jour, à ce que je vois et ce que je ressens. Et mes pensées sont si bruyantes, ondées assourdissantes. Nuit blanche, ta lugubre noirceur m’envahit, m’étouffe. Nuit ta musique traduit en si mes émotions, symphonie de doutes en perles de pluie. Entends-tu son clapotis ?
Nuit blanche, tu m’embarques avec toi dans ton navire nuit, je vogue sur cet océan de feu, et mes rêves se noient, les rattraper au filet. Au moins quelques-uns, s’il te plaît, je veux encore rêver. Je veux encore aimer. Nuit dis moi que la vie n’est pas finie.
J’accoste sur le rivage, je te regarde nuit, la tragédie, celle de ma vie. Tous mes rêves en morceaux, pourtant ils étaient si beaux.
Où vont les rêves quand ils sont morts ? où ils échouent ? sur quelle plage ? me faut – il traverser d’autres rivages ? croiser d’autres visages ? écouter le bruit de l’eau pour l’éternité dans cette vague obscurité.
Nuit si tu savais que rien ne fait plus mal que lorsqu’on pleure la nuit sans faire de bruit, cris étouffés, larmes ravalées, gorge serrée, souffle coupé, le cœur brisé.
Nuit en silence la douleur se crie… Nuit noire ou blanche comme le récit de la vie.
Nuit blanche, mes émotions en avalanche, un ouragan ravageant tout sur son passage… voulant chasser tous les nuages. Et me dire au final que ça va aller ok, tout ira bien, tout se passera bien … tu seras toujours à mes côtés, ça va aller, me rassurer dans mes cauchemars éveillés, dans ces tempêtes de pensées où je suis seule et effrayée… Alors pour m’apaiser, prier et t’entendre me dire ça va aller ok, tout va bien se passer…
©Gaëlle Lavisse (Août 2024)
parcourt toutes les régions et les écoles avec son bel atelier d'écriture "Dis Petite".
"Nos intérieures nuits"
Collage et composition graphique d'Elodie Breton,
(jeune peintre qui nous a quittés en 2005, des suites d'une longue maladie.)
Texte de la poétesse Nathanaëlle Quoirez
"Notre projet de consolation"
Pour celles et ceux qui ne me connaitraient pas, je suis Nathanaëlle Quoirez, autrice du livre Lettres à Madame, recueil qui partage sous forme épistolaire (à sens unique) « un immense chagrin d’être au monde ».
Pour mon prochain projet intitulé L’émissaire de la consolation je cherche à me concentrer davantage sur la notion de consolation. Pour travailler sur ce projet (soutenu par la DRAC PACA) je serai en résidence en octobre prochain au GEM Club à Marseille. Lors de ce temps de résidence je voudrais me pencher sur les manières dont on s’y prend pour affronter nos souffrances, chagrins, deuils, accidents de la vie, problèmes psychiques etc.
Pour entamer cette résidence pendant laquelle je vais proposer des ateliers de médiation aux http://xn--adhrent-dya.es/ du GEM, je lance un appel à témoignages sous forme de lettre / carte postale / dessin qui réponde à la question suivante :
Et vous, comment faites-vous pour surmonter votre chagrin dans les moments difficiles ?
Ces témoignages me serviront de base de travail et seront le point de départ des ateliers de médiation. Ils seront lus par les http://xn--adhrent-dya.es/ du GEM et pourront être amenés à être exposés au public.
N’hésitez pas à relayer cet appel auprès de vos cercles amicaux, familiaux, professionnels ,etc.
Tous les témoignages sont évidemment les bienvenus y compris les dessins donc (notamment si vous connaissez / travaillez avec des personnes — jeunes, allophones, etc — qui ne seraient pas en mesure d’écrire.)
Et alors vous, comment faites-vous pour surmonter votre chagrin dans les moments difficiles ?
Vous pouvez envoyer vos témoignages jusqu’au 10 octobre à l’adresse suivante :
GEM (Émissaire de la consolation) 28 rue Bérard 13005 Marseille
Nous attendons vos témoignages avec grande, grande impatience.
Nathanaëlle Quoirez
Alors, comme un formidable élan consolateur, et cette voix inimitable,
une splendide vidéo-poème de la romancière Anne Dejardin :
Son dernier livre "Elle parle des corps" aborde le thème de l’abandon à travers la douleur de différents personnages. Elle poursuit sur son blog et sa chaîne YouTube l’écriture de microfictions à partir des noms de villas d’une station balnéaire de la Manche qu’elle a intitulé : « Le nom qu’on leur a donné… »
Mes livres – L'impermanence des traces (annedejardin.com)
Et dans l'avant-nuit qui se prépare, les préparatifs qui ne viennent pas encore,
les accessoires qu'on pose avant le sacrifice du temps,
à l'arrière désembuées, nos projections de petit matin,
voici venir... avant de nous endormir, une superbe photographie de Nathalie Holt.
La romancière Catherine Plée
(son futur ÊTRE L'ETE...)
Tient à confier un extrait de son roman
et nous en sommes bien émues...
La nuit, c’est peut-être là qu’elle vit… M a faim la nuit. On l’entend qui rôde, elle dévore les haricots crus debout dans la lumière du frigo. Elle murmure on ne sait pas quelle prière ici personne ne sait les prières. Elle lave les culottes dans l’eau de la vaisselle. Elle écrit des mots des signes sur son carnet de compte Elle vide les placards. La nuit elle va vite et la ville endormie l’aspire elle déambule elle déchiffre en détachant les syllabes les noms des rues. Elle engueule le mannequin Gibaud de la pharmacie pourquoi tu tournes abruti la gare c’est par là. Elle traverse au vert et s’arrête au rouge. Elle cherche la grande ourse cette vieille allumée. La nuit M est une reine. Elle n’a peur de personne elle trinque à la bouteille avec les clochards elle leur donne tout ce qu’elle a et puis tout ce qu’elle n’a pas. Elle nargue les passants. Elle parle aux bêtes aux choses à l’univers c’est pourtant pas difficile à comprendre ce qu’elle comprend: Tout. Le monde a besoin qu’on l’accouche, il est finissant faut l’aider à finir. La nuit M est tigresse. Elle est l’aigle royal. Battez des ailes vous aussi partirez dans le ciel de la nuit.
Catherine Plée,
préfère les levers du jour aux couchers, l’été à l’hiver, le printemps à l’automne, la joie au bonheur, c’est pourquoi elle a écrit un récit intitulé Être l’été, a écrit aussi des nouvelles, a de nombreux chantiers en cours, coud, brode, bidouille des tas de trucs pour que les heures content…